A Cotonou comme à Abomey-Calavi, deux grandes villes du Sud-Bénin, acquérir un bien auprès des revendeuses n'est pas souvent aisé lorsqu'on dispose de pièces de 5 ou de 10 FCFA. Ces deux pièces d'argent considérées comme ‘'Vokouè'' (argent ayant servi à un sacrifice ou un rituel) font souvent l'objet de rejet systématique chez plusieurs commerçants. Ils estiment que le fait de les encaisser, pourrait avoir des conséquences néfastes sur leur commerce.
Au Bénin, pays de Vodun, (culte ancestral bien ancré dans les traditions), les tradi-praticiens en voulant préparer certaines tisanes et savons magiques, ou encore en voulant faire certains sacrifices ou rituels, font parfois recours à des pièces d'argent, notamment les pièces de 5 et de 10 FCFA.
Il n'est pas rare d'observer souvent au niveau des carrefours et certains endroits stratégiques, ces pièces mélangées à d'autres objets et produits ayant servi des rituels ou des sacrifices. Cet usage occulte de l'argent selon les constats, jette un discrédit sur ces deux pièces qui, loin d'être un moyen d'échange, sont perçues par de nombreux citoyens, des revendeuses des villes de Cotonou et d'Abomey-Calavi notamment, comme ‘'des instruments de sorcellerie''.
Pour elles, encaisser les pièces de ces valeurs est un risque dont la conséquence n'est rien d'autre que la déstabilisation du commerce et la perte du capital. Ainsi, pour éviter tout supposé malheur dans leur business, les commerçants rejettent systématiquement ces pièces aux clients qui se présentent pour tout achat de produits.
Cependant, si du fait de la cherté de la vie, il y a très peu de produit qu'on peut acheter à 5F ou à 10F, le citoyen se trouve en difficulté lorsqu'il se présente devant un étalage avec deux pièces de 10F et une pièce de 5F (25F), cinq pièces de 10F (50F), dix pièces de 10F (100F), etc, pour l'achat d'un bien. Le rejet est systématique.
Cet état de chose selon Fréjus DEGUENON, tradi-praticien surnommé AZE à Womey dans la commune d'Abomey-Calavi, relève de l'ignorance. Selon ses explications, lorsqu'un tradi-praticien fait recours à ces ‘'pièces rouges'' pour faire un sacrifice ou préparer un rituel, la finalité, c'est de permettre à la personne malade ou l'individu pour qui le sacrifice est fait, de bénéficier des faveurs des dieux afin que guéri de la maladie, il ne soit plus confronté à des blocages.
Pour le professeur Raymond ASSOGBA, enseignant chercheur à l'Université d'Abomey-Calavi (UAC), l'utilisation de la monnaie dans le domaine du Boo (gris-gris en langue locale fon), relève « d'un mélange de centres d'intérêts monétaires et de symbolisme ». Il explique que c'est par rapport au symbolisme que « le franc symbolique ou la pièce de 5F ou de 10F sont utilisés comme « matériel de manipulation énergétique ».
Dans le domaine des Boos, considéré comme des savoirs qui associent différents éléments des règnes minéral, végétal, et animal, a-t-il fait savoir, en plus des émotions humaines, on utilise ces pièces pour plus d'efficacité. Le but visé d'après lui, est de régler des problèmes sociaux relevant aussi bien du domaine économique que des domaines politique, social, les jeux, la profession, la vie matrimoniale, etc.
Pour le spécialiste des questions de religion, de la sociologie du développement et de la Boologie (science qui étudie le Boo), la pièce d'argent utilisée comme « variable » pour renforcer l'impact du Boo, est en même temps, « un condensateur d'énergie ».
La pièce d'argent comme un condensateur d'énergie
La pièce d'argent est « un condensateur d'énergie », a précisé Raymond ASSOGBA se référant au Fâ (culte divinatoire). « L'individu qui va interroger le Fâ par rapport à une situation, donne une pièce d'argent qui sert de « condensateur » de son énergie.
« Et c'est cette masse énergétique qui va se mélanger au cauris, symbole les préoccupations matérielles ou à du ‘'Adji-Kouin'', qui symbolise les préoccupations liées à la psychologie de celui fait la demande », a-t-il clarifié. A l'en croire, outre le rôle de condensateur d'énergie, la pièce d'argent a également un rôle d'accompagnateur du ‘'Boo'' ou du ‘'Voo'' (sacrifice en langue locale fon) ; et son usage après le ‘'Voo'' ou le ‘'Boo'' est sans conséquence pour la revendeuse qui l'encaisse.
Le Vokouè et le petit commerce
La pièce d'argent qui a peut-être servi à la préparation d'un rituel ou un sacrifice n'a aucun impact sur le commerce d'une revendeuse qui l'encaisse. « Si un enfant ramasse ces pièces et va acheter chez une revendeuse, cela n'a aucune incidence sur son activité », a rassuré AZE.
Un avis que partage le sociologue. « La pièce d'argent utilisée pour faire un Voo ou un Boo a déjà rempli sa fonction. Dès que le rite est accompli, […], il y a un changement de condition », a fait savoir Raymond ASSOGBA. Pour lui, toute autre considération n'est que « pure interprétation ».
A la question de savoir pourquoi c'est uniquement les pièces de 5F et de 10F que les tradi-praticiens utilisent pour les ‘'Voos'' et les ‘'Boos'', AZE répond : « L'argent, c'est l'argent […]. C'est vrai qu'on utilise le plus souvent ces deux pièces de monnaie, mais on peut utiliser aussi toutes les autres pièces (25F, 50F, 100F, 200F, 250F, 500F et même les billets de banque ». L'utilisation fréquente des ‘'pièces rouges'' à l'en croire, relève du caractère symbolique de l'argent, et dépend également de ce que l'on envisage de faire.
Pour l'enseignant chercheur, l'intégration des pièces dans le montage des ‘'Voos'' et des ‘'Boos'', est de l'ordre de la numérologie.
Les deux sachants ne nient cependant pas la pratique de ‘'Akouèdida'' (argent préparé) à laquelle certaines personnes font recours dans le domaine de la concurrence pour déstabiliser leurs concurrents, et qui fait que beaucoup de revendeuses rejettent les pièces de 5F et de 10F.
Le tradi-praticien souligne que contrairement à ce que les gens pensent, ce n'est pas les pièces de 5F et de 10F que les ‘'personnes malveillantes'' qui s'adonnent à une telle pratique utilisent. Il assure qu'il y a des dispositions à prendre pour identifier les pièces ou les billets de banque utilisés à cette fin. « Dès que vous touchez, vous sentez en même temps et vous mettez à l'écart », conseille AZE.
Pour l'enseignant chercheur, celui qui vend doit savoir que lui-même doit « poser ses batteries de dissuasion » pour détecter.
Des avis partagés de revendeuses sur l'usage des pièces de 5F et de 10 F
« Ces pièces-là, c'est ça les gens utilisent souvent pour les sacrifices et pour les rituels. Ce qui fait que moi je ne prends pas chez les clients. Tu ne sais pas ce que les gens en ont fait, et tu encaisses. Si quelque chose arrive, c'est toi même qui a cherché », confie une revendeuse de divers à Tankpè, dans la commune d'Abomey-Calavi.
« C'est du Vookouè ; et étant donné que ces choses relèvent de l'occultisme, moi je n'encaisse pas », avoue une autre.
Steve est un jeune garçon qui assiste un vendeur d'essence frelatée (kpayo) à Zogbo, dans la ville de Cotonou. Il a reçu des instructions fermes de son patron. Quelle que soit la situation, il ne doit pas commettre l'erreur de prendre les pièces de ces valeurs chez les clients. Dès que le patron découvre, la sanction à son encontre sera lourde.
Marie GBEDJI, gargotière à Fifadji ne rejette pas ces pièces pour ses clients. Cependant, elle se retrouve en difficulté quand elle doit les utiliser pour ses dépenses. « Les gens n'acceptent pas souvent », déplore-t-elle mais elle arrive à les échanger chez les agents d'un opérateur de téléphonie mobile à côté de sa boutique.
Comme elle, Djèdjènon, revendeuse de condiments à Maria-Gléta, ne rejette pas les pièces de 5F et de 10F. Le problème selon elle, c'est comment les dépenser après. « Beaucoup de gens refusent, mais on parvient à les utiliser. Ce n'est pas souvent facile », a-t-elle indiqué.
Saturnin est responsable d'un kiosque de photocopie à Zogbadjè, proche du campus universitaire d'Abomey-Calavi. Il fait la copie à 15 F pour ses clients. Du fait du montant de ses services, ces pièces d'argent s'imposent à lui. « Moi, je ne peux pas refuser. C'est à ce prix que j'offre mes services. Mais quand je donne la monnaie avec, certains refusent. Il y en a qui te laisse carrément la monnaie quand il s'agit de ces petites pièces-là. C'est vrai, parfois ça m'arrange, mais pour dépenser après, c'est difficile », a-t-il expliqué. Mais im arrive à s'en débarrasser pour le paiement de factures d'électricité et d'eau.
Comme lui, nombreux sont les citoyens qui, voulant contourner la difficulté de rejet de ces pièces, les utilisent pour des paiements de factures et autres achats en pharmacie.
Selon les dispositions de la loi n° 2018-16 portant Code pénal en République du Bénin, seuls les faux billets et les monnaies falsifiées sont susceptibles de rejet. Cette loi dispose « qu'aucun citoyen n'a le droit de refuser une pièce de monnaie ou un billet de banque en circulation ». En 2021, le ministère de l'économie et des finances à travers un communiqué avait invité les populations à ne plus rejeter les pièces sous prétexte qu'elles sont lisses.
Mais force est de constater que certains citoyens agissent au mépris de la loi.
F. A. A.
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