(B2) Même si le Parti populaire européen (PPE) vient de désigner aujourd’hui à Helsinki sa tête de liste pour la campagne des Européennes — l’eurodéputé de la CSU bavaroise Manfred Weber —, rien ne dit que ce sera celui-ci qui sera à la tête de la Commission européenne en novembre prochain (1).
L’automatisme voulu par les différents leaders de partis lors de la précédente campagne en 2014 est brisé. Du no man’s land de candidats, il n’y a aujourd’hui qu’un seul nom qui émerge pour prendre la tête de la Commission européenne. A condition qu’il le veule, et que la France le souhaite, c’est Michel Barnier. Il réunit sur le papier nombre de critères.
Michel Barnier dans les couloirs du Conseil européen rencontrant le président Donald Tusk (Crédit : Conseil de l’UE)
1° Il appartient au parti, le PPE qui devrait rester le premier parti lors des élections européennes, malgré une baisse certaine. Et le PPE a compris depuis longtemps que c’est la Commission européenne qui est le poste le plus puissant.
2° C’est un Européen convaincu, avec une vraie expérience, à différents postes. Représentant de la Commission lors de la Convention européenne préludant à la Convention, commissaire à la Politique régionale puis au Marché intérieur, et enfin et surtout, négociateur de l’UE pour le Brexit, il a montré une certaine dextérité dans ces différents postes.
3° Ce n’est pas un personnage clivant. S’il appartient au PPE, il a montré dans le passé qu’il savait dialoguer avec toutes les composantes de la famille européenne. C’est un candidat très acceptable que ce soit par les libéraux, les socio-démocrates ou les verts. Il est plus en faveur de l’intégration européenne que certains Libéraux patentés et sans doute plus ‘social’ que d’autres sociaux-démocrates revendiqués.
4° Il n’est pas membre du Conseil européen, n’a pas été Premier ministre ou dirigeant. C’est sans doute un des seuls critères (non écrits) qui n’est pas rempli. Enfin pas tout à fait rempli. En tant que négociateur sur le Brexit, il a été en effet à plusieurs reprises invité au Conseil européen, a rencontré nombre de dirigeants européens, qui le connaissent ou ont appris à le connaître. Bref ce n’est pas un inconnu du sénacle dirigeant européen.
5° Il a montré, durant toute la négociation sur le Brexit, difficile, ardue, où les embûches se multipliaient à mesure que d’autres disparaissaient, ses capacités à négocier, à garder unis les Européens.
6° Reste à savoir si la France et Emmanuel Macron, seul décideur en matière de désignation d’un commissaire européen, voudrait pousser un candidat français à la tête de la Commission. Ce ne serait pas absurde. E. Macron poursuivrait son œuvre de casser les deux blocs, montrant qu’il peut se défaire du bipartisanisme. Au plan interne, il ne puiserait pas dans les réserves de ‘responsable politique’ dont le dernier remaniement a prouvé qu’elles n’étaient pas illimitées. Si la volonté existe à Paris, il serait difficile à d’autres pays de critiquer un tel choix. Le poste de président de la Commission n’a plus été confié à un Français depuis Jacques Delors (1985-1995), soit il y a presque 25 ans, une génération (2). La seule concurrence notable pourrait venir de Berlin (3).
Seul obstacle que certains pourraient voir, son âge, 67 ans… Mais à côté de Juncker, 63 ans, il paraît plus jeune et plus fringuant. Aux commandes de l’Europe aujourd’hui et demain, il vaut mieux un être sage, expérimenté, qui n’a pas d’autre ambition devant lui que de réussir son mandat, que d’avoir un plus jeune, plus fougueux ou dont l’ambition domine certaines décisions (pour ne pas fâcher l’avenir).
Oui, décidément, Michel Barnier serait le bon choix pour le futur exécutif européen dans les années à venir…
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Lire : Que cache la candidature de Manfred Weber à la Commission ?
(2) Le poste a été ensuite successivement occupé par un Luxembourgeois (Jacques Santer), un Italien (Romano Prodi), un Portugais (José-Manuel Barroso, pour deux mandats) et, à nouveau, un Luxembourgeois (Jean-Claude Juncker).
(3) Des proches de Angela Merkel avaient fait savoir, par le biais de fuites à la presse, leur désir de voir placer un Allemand à la tête de la Commission.
Quelle mouche a piqué le président Emmanuel Macron en évoquant le maréchal Pétain lors des commémorations de la Grande Guerre, le 7 novembre à Charleville-Mézières ? L'ignorance : ignorance sur la première guerre mondiale, sur Vichy et enfin sur les luttes de mémoire. Selon un ordre chronologique. Reprenons à l'inverse. Les luttes de mémoire ne sont plus aujourd'hui ce qu'elles étaient au temps du général de Gaulle dans les années 1960. Rien à gagner sur le plan électoral. Qui défend aujourd'hui Vichy ? (...)
- Régime d'opinion / Seconde guerre mondiale, France, Guerre, Conflits, Histoire(B2) Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) vient d’appeler ce jeudi (8 novembre) les belligérants de la guerre du Yémen, « à protéger la population et les infrastructures civiles contre les dommages superflus ». Ce alors que les combats s’intensifient fortement autour de Hodeïda.
Les civils pris pour cible ?
« La ville de Hodeïda est une fois de plus plongée dans la violence, et ce sont des centaines de milliers de Yéménites qui en paient le prix. La perspective de négociations ne saurait justifier de bafouer le droit de la guerre qui protège la vie des civils », a souligné Fabrizio Carboni, directeur régional du CICR pour le Proche et le Moyen‑Orient. « Les guerres ont des règles et les parties au conflit doivent les respecter, même dans les batailles les plus acharnées. »
L’offensive sur Hodeida un mauvais signal
« Cette nouvelle offensive sur Hodeïda tempère l’optimisme suscité par l’annonce récente de négociations de paix », indique F. Carboni. « On peine à décrire à quel point la situation est dramatique au Yémen. Ce pays a plus que jamais besoin d’entrevoir une lueur d’espoir. »
Les centres de santé proches de la ligne de front
Les affrontements se rapprochent des centres de santé, notent les équipes de l’organisation humanitaire. Ce qui a forcé l’hôpital du 22 mai de Hodeïda à interrompre son activité. L’hôpital Al-Thawra, le plus grand de la ville, n’est qu’à quelques mètres de la ligne de front. « Si d’autres centres de santé devaient fermer leurs portes, les structures restantes risquent de ne pas avoir la capacité d’assurer les services réguliers ou de faire face à un afflux de blessés. »
(NGV)
(B2) Alors que le serpent de mer de l’armée européenne ressurgit par la grâce d’Emmanuel Macron (*), il n’est pas inutile de revenir sur terre. Ce qui existe aujourd’hui … et ce qui n’existe pas en matière de défense au niveau européen.
A la conquête du grand nord ? (crédit : Premier ministre danois)
La réalité inscrite dans les Traités européens actuels est la politique (européenne) de sécurité et de défense commune (PeSDC). Ou en langage commun, l’Europe de la défense. Elle n’est cependant pas comparable à ce qui se définit au plan national comme une politique de défense. Que ce soit dans le langage des pro ou des anti-intégrations européennes, cet aspect est bien souvent gommé. Or, il est primordial d’avoir une vue ‘honnête’ et ‘objective’ de la situation actuelle.
Une politique nationale de défense
D’un point de vue national, une politique de défense se définit tout d’abord par une autorité qui imprime sa marque et un circuit décisionnel court (comme en France avec un président de la république acteur principal) ou plus long (comme en Allemagne avec une décision du gouvernement, une approbation du parlement). Elle répond à une stratégie de défense, qui est élaborée par strates successives, en répondant à des antécédents historiques et une logique politique. Elle se développe ensuite dans un budget d’investissement d’une armée, des équipements militaires, des troupes, une logique d’action et une légitimité dans l’opinion publique qui accepte, plus ou moins, un engagement militaire intérieur ou extérieur, à risque ou non.
L’Europe de la défense : un projet politique
L’Europe de la défense est tout d’abord un projet politique, qui vise à affirmer la place de l’Europe dans le monde, au service d’une politique étrangère. Elle ne consiste pas ainsi à assurer la défense du territoire ni la protection des citoyens (malgré les déclarations politiques en ce sens). Elle ne procède que d’une coordination des efforts des États membres. Son circuit décisionnel repose ainsi toujours, à toutes les étapes, de l’initiative à l’approbation puis au commandement et au contrôle, sur un accord de tous les États membres, de façon collégiale. Mettre tout le monde d’accord au même moment sur un enjeu commun est un véritable ‘challenge’. Elle a comme objectif unique d’avoir une capacité d’intervention, limitée, dans des missions ou opérations de paix ou de consolidation de l’état de droit. Elle n’est pas ainsi une force d’intervention tout azimut, n’a pas de commandement militaire direct (national) ou intégré (comme l’OTAN), ni de troupes ou de forces disponibles en permanence ni en propre. Elle ne peut intervenir qu’à l’extérieur des frontières, avec le consentement des États concernés (ou au moins de leurs gouvernements) et de la communauté internationale. On est ainsi très loin des ‘fondamentaux’ d’une armée européenne.
Quand on met face à face ainsi les principes d’une défense nationale et ceux de l’Europe de la défense, il est inévitable que la seconde soit moins efficace que la première. On peut considérer qu’il s’agit d’une faiblesse temporaire, due aux personnalités politiques du moment. Ce peut être le cas parfois. Mais il ne faut pas minorer les faiblesses structurelles dû à un fait principal : l’Europe n’est pas un État mais une structure juridique et économique de concertation et de coopération avant tout.
Si on veut donner un aperçu plus mathématique, j’ai évalué, sous forme d’une note — sur une échelle de 0 à 3 — quels points remplit l’Union européenne, une fois mis en place tous les projets évoqués ces derniers temps. On va ainsi d’une note de 0 à 3 selon les thèmes : de 0 pour les équipements et les forces disponibles à 2 pour le budget de recherche, en passant par le mode de décision et le consensus politique que je cote à 1 sur 3.
Des avancées mais lentes et tardives
Cette évaluation prend en compte certaines évolutions, très récentes, sur de nombreux points, qui ne sont pas négligeables mais ne permettent pas encore de combler toutes les lacunes.
Au niveau de la sécurité intérieure, on peut ainsi noter la création d’un corps européen de garde-frontières, le renforcement d’Europol, la compétence donnée au futur Parquet européen pour le terrorisme ou la mise sur orbite complète du système Galileo, concurrent européen du GPS. Toutes nouveautés qui ne sont pas encore pleinement en place. Elles le seront d’ici 2019-2021.
En matière de défense, on peut remarquer les propositions de création d’un fonds européen de défense, d’une facilité européenne de paix, d’un fonds transport pouvant être utilisé pour la mobilité militaire. Ces propositions doivent être encore approuvées et n’entreront réellement en vigueur qu’en 2021, avec une montée en puissance d’ici 2027. A cela il faut ajouter la coopération structurée permanente, qui a été créée, mais dont le réel effet ne se fera sentir qu’à l’horizon 2021-2025, car elle repose sur une approche dite ‘phasée’.
Des lacunes comblées, mais pas toutes
On le voit donc. Certaines lacunes sont en passe d’être comblées, mais pas toutes. L’Europe a souvent manqué de réactivité et d’adaptation aux différentes crises. Pas seulement en matière stratégique, mais aussi diplomatique ou même économique.
Qu’il s’agisse de la crise financière, de la crise migratoire, de la guerre en Syrie ou à l’Est de l’Ukraine, le scénario est souvent le même. L’Europe parait surprise d’un évènement, tâtonne durant plusieurs mois (au bas mot) puis essaie une ou deux solutions, parfois sans succès, car la crise a ensuite évolué, pour trouver enfin le moyen adéquat (crise financière ou crise migratoire)… ou baisser les bras (crise syrienne). Entretemps, les dégâts sont profonds : économiques et sociaux durant la crise financière, éthiques et politiques durant la crise migratoire.
La politique de défense intrinsèquement liée à une politique étrangère nécessite de s’interroger sur les défaites et succès de la diplomatie européenne.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(*) Lire : Face aux menaces, Macron propose une armée européenne. Un vieux ou un jeune phantasme ?
NB : cet article est développé à partir d’un court exposé consacré à ‘l’Europe de la défense aujourd’hui’, aux Entretiens de la Citadelle à Lille le 25 octobre 2018. La photo illustrative est choisie à dessein, le Danemark étant le seul pays de l’Union européenne à ne pas participer à la politique de sécurité et de défense…
Lire aussi : L’Euro peine à s’imposer au niveau international
Europe de la Défense ou défense européenne
Un débat a lieu chez certains observateurs ou responsable sur l’utilisation de ce terme. A juste titre. Car le terme officiel — politique de sécurité et de défense commune — est plutôt complexe à dérouler. Mais je n’en ai pas trouvé de plus symbolique. Le terme de ‘défense européenne’ souvent utilisé est tout aussi irréel, car il n’y a pas de ‘défense européenne’ au sens de l’Union européenne. Il prête à confusion, avec la défense territoriale du continent européen, incarné par l’OTAN.