(B2) Le navire de SOS Méditerranée, l’Aquarius opère « sans pavillon d’un État membre de l’UE » et « dans la zone de recherche et de sauvetage [SAR] libyenne ». Ce qui fait « la responsabilité légale de l’Union européenne ne peut pas être engagée », a expliqué la porte parole de la Commission européenne Natasha Bertaud, interrogée par nos confrères lors du point presse quotidien de l’institution mardi (25 septembre).
De plus, « la seule responsabilité légale réside avec les autorités libyennes qui ont coordonné les opérations de sauvetage » a-t-elle précisé, indiquant même si « sous le droit international, il n’y a pas d’engagement de la responsabilité européenne » le bateau peut « demander à débarquer dans l’Union européenne [et] les États membres peuvent accepter » cette demande. « Nous ne fermons pas les yeux sur la situation », a-t-elle ajouté. Mais « la Commission européenne n’a été appelée par aucun État membre pour faire de la coordination ».
(Aurélie Pugnet, st.)
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(B2) La nouvelle affaire de l’Aquarius où gouvernements italien, maltais et français se renvoient (une nouvelle fois) la balle, au nom du droit de la mer, mérite une petite explication de texte. Contrairement à ce que le gouvernement français prétend, le droit de la mer n’impose pas le débarquement au port le plus proche… Explications
Le secours en mer est régi par un ensemble de règles (1) qui fixent la conduite à tenir et codifient en quelque sorte la tradition des gens de mer. Contrairement à ce que certains indiquent parfois, il n’y a pas de norme absolue. Tout dépend des circonstances. Mais certains principes sont très clairs. Quand on lit attentivement les lignes directrices de l’OMI (l’organisation maritime internationale), elles infirment quelque peu la position prise par plusieurs capitales européennes — Rome, La Valette mais aussi Paris — qui, pour défendre leur position politique, surfent un peu avec le droit de la mer. Ainsi un navire de secours n’est pas tenu d’aller au port le plus proche (comme le défend Paris), et encore moins de remettre les personnes recueillies en mer dans un pays qui n’est pas un lieu sûr (comme le défend Rome).
Qu’est-ce qu’un lieu sûr ?
La définition du lieu sûr est donnée de manière précise par l’OMI.
« Le lieu sûr est un emplacement où les opérations de sauvetage sont censé[e]s prendre fin. C’est aussi un endroit où la vie des survivants n’est plus menacée et où l’on peut subvenir à leurs besoins fondamentaux (tels que des vivres, un abri et des soins médicaux). De plus, c’est un endroit à partir duquel peut s’organiser le transport des survivants vers leur prochaine destination ou leur destination finale. » (§ 6-12)
Est-ce nécessairement le port le plus proche ?
Non. D’ailleurs la terminologie de proximité n’est aucunement mentionnée dans les lignes directrices de l’OMI. Le choix du port de destination est fait normalement par le gouvernement responsable, qui doit en décider avec le capitaine du navire (§ 6-10) : ce peut être le prochain port d’escale prévu du navire (quand il s’agit d’un navire commercial où tout déroutement coûte cher), ou un autre port auquel le capitaine accorde la préférence pour débarquer les survivants.
« Les circonstances peuvent dans chaque cas être différentes. [Le] Gouvernement responsable [a] la latitude nécessaire pour traiter chaque situation au cas par cas tout en garantissant que les capitaines de navires qui prêtent assistance sont dégagés de leur responsabilité dans un délai raisonnable et avec le minimum d’impact sur le navire. » (§ 2-6)
NB : la notion de port le plus proche au sens géographique du terme, utilisée par le gouvernement (français ou italien notamment) est erronée. C’est le port le plus facile à atteindre selon la trajectoire du navire qui est le critère qui se dégage du droit de la mer. En l’occurrence, l’Aquarius dont le nouveau port d’attache est Marseille, peut fort bien estimer que cette destination est la plus proche pour lui, et refuser le port de La Valette (plus proche géographiquement) vu l’attitude du gouvernement maltais à l’égard des ONG.
Le lieu sûr peut-il être un navire ?
Oui, s’il s’agit d’une embarcation adaptée dans ce cas. Par exemple, un navire des garde-côtes ou des autorités publiques (navire militaire par exemple) adapté à recueillir des naufragés.
« Le lieu sûr peut être à terre ou à bord d’une unité de sauvetage ou d’une autre embarcation ou installation appropriée en mer pouvant être utilisée comme lieu sûr jusqu’à ce que les survivants soient débarqués pour aller vers leur prochaine destination. » (§ 6-14)
En revanche, il ne peut pas être constitué du navire qui a prêté assistance (NB : sauf un navire d’État).
« Un navire prêtant assistance ne devrait pas être considéré comme un lieu sûr, du seul fait que les survivants, une fois qu’ils se trouvent à bord du navire, ne sont plus en danger immédiat. » (§ 6-13)
NB : de façon paradoxale, on pourrait considérer l’Aquarius en lui-même comme ‘un lieu sûr’, étant adapté à l’accueil et au secours des rescapés. Mais cela ne règle pas la question du débarquement.
Peut-on débarquer les migrants ou réfugiés en Libye ?
Non. C’est exclu, à la fois par les règles du HCR comme le droit de la mer. Ce de façon très explicite.
« La nécessité d’éviter le débarquement dans des territoires où la vie et la liberté des personnes qui affirment avoir des craintes bien fondées de persécution seraient menacées est à prendre en compte dans le cas de demandeurs d’asile et de réfugiés récupérés en mer. » (§ 6-17)
NB : la position du gouvernement italien (soutenu en sous-main par certains autres gouvernements européens) est donc non conforme au droit international.
Peut-on faire patienter le navire en mer ?
Non. La première urgence est de débarquer les personnes et de libérer le navire. C’est très clair également. Et c’est même l’objectif des règles instaurées au niveau international.
« Les gouvernements et le RCC [Rescue Coordination Center] responsables devraient tout mettre en œuvre pour réduire au minimum la durée du séjour des survivants à bord du navire prêtant assistance. […] Les autorités gouvernementales responsables devraient tout mettre en œuvre pour que les survivants qui se trouvent à bord du navire soient débarqués le plus rapidement possible. » (§ 6-8 et 6-9)
Peut-on faire des opérations de tri à bord du navire
Non, normalement, sauf si c’est ultra-rapide. Ce qui, en l’espèce, parait délicat, vu les nombreuses questions juridiques qui peuvent se poser pour l’accueil d’éventuelles demandes d’asile.
« Toutes les opérations et procédures, telles que le filtrage et l’évaluation du statut des personnes secourues, qui vont au-delà de l’assistance fournie aux personnes en détresse, ne devraient pas gêner la prestation d’assistance ou retarder indûment le débarquement des survivants qui sont à bord du ou des navires prêtant assistance. » (§ 6-20)
Qui doit trouver le port sûr ?
La réponse est claire. C’est normalement au gouvernement responsable de la zone ‘SAR’ (secours et recherche en mer) où les personnes ont été sauvées de trouver un lieu sûr (dans son pays) ou de s’assurer que le navire concerné en aura bien un (dans un autre pays).
« La responsabilité de fournir un lieu sûr, ou de veiller à ce qu’un lieu sûr soit fourni, incombe au Gouvernement responsable de la région de recherche et de sauvetage dans laquelle les survivants ont été récupérés. » (§ 2-5)
NB : En l’espèce, ce serait donc au gouvernement libyen de faire ce travail. Mais il paraît difficile de le lui demander, vu une certaine inorganisation et l’impossibilité (juridique) d’accueillir des migrants et réfugiés qui fuient le pays.
Qui doit gérer le débarquement de personnes secourues en mer quand il s’agit de migrants ou demandeurs d’asile ?
La question du sort des demandeurs d’asile ou des migrants secourus en mer est réglée après le débarquement. Elle est gérée par les gouvernements ‘concernés’ : du port du débarquement, de l’armateur, du pavillon, pays voisins, etc.
« Lorsque le statut des survivants ou d’autres questions ne relevant pas de la recherche et du sauvetage doivent être résolus [NB : migrants ou demandeurs d’asile], les autorités appropriées peuvent souvent s’occuper de ces questions après que les survivants ont été conduits en lieu sûr. […] C’est à des autorités nationales autres que les RCC [Rescue Coordination Center] qu’incombe généralement la responsabilité de telles initiatives. » (§ 6-18)
Quels sont les autres États concernés qui doivent agir ?
Les autres gouvernements concernés sont requis pour trouver une solution.
« Les États du pavillon et les États côtiers devraient prendre des dispositions efficaces pour prêter sans tarder leur concours aux capitaines et les libérer de leurs obligations à l’égard des personnes récupérées en mer par des navires. » (§ 3-1)
NB : dans le cas de l’Aquarius, on peut lister cinq pays concernés : Malte et la Tunisie qui sont des pays côtiers, — l’Italie dans une moindre mesure —, Panama en tant qu’état du pavillon, et la France, qui est le siège des organisations qui ‘arment’ le navire, doivent agir, rapidement, pour trouver une solution.
Conclusion : Marseille… une destination logique conforme au droit de la mer
Si on lit bien toutes les règles du droit de la mer, il y a une logique à ce que le navire Aquarius débarque les personnes secourues en mer à Marseille, comme le demande SOS Méditerranée, puisque Malte et l’Italie le refusent et que la solution libyenne est exclue.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Ces règles découlent de la convention internationale pour la sauvegarde de la vie en mer de 1974, a convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritime d’avril 1979 (§ 1.3.2 de l’annexe), mais surtout de la directive sur le traitement des personnes secourues en mer de l’OMI (l’Organisation maritime internationale)
Lire aussi notre dossier : N°63. La présence des navires des ONG au large de la Libye : saluée, encouragée puis vilipendée et refusée (V2)
et Que deviennent les réfugiés sauvés en mer Egée ? C’est un peu compliqué
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Cet article Carnet (24.09.2018). Confidentiels (COPS, EUTM Rca, EUAM Iraq). Défense (Livre blanc, Verts, Mélanchon). Diplomatie (multilatéralisme, UE-Oman, UE-Ouzbékistan, attaque Iran, accord commercial Mauritanie, Sommet Femmes). Aides (catastrophes). Sécurité (Serbie Frontex, Maghreb Le Drian). Pouvoirs (Pologne CJUE, Tchéquie ministre). Elections 2019 (Kern, Verhofstadt). est apparu en premier sur Bruxelles2.
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(B2) Le ministère britannique de la Défense étudie actuellement les moyens de renforcer la protection juridique de ses soldats engagés en Irlande du Nord au siècle dernier.
Une accusation de meurtre pendante
C’est la révélation, qu’un ancien sergent du régiment de parachutistes est accusé de tentative de meurtre pour avoir blessé peut-être deux personnes lors du Bloody Sunday à Londonderry en 1972 (1) qui a suscité cette levée de bouclier. « Nous sommes actuellement en train de consulter de nouvelles institutions pour améliorer le système actuel et veiller à ce qu’il n’y ait pas d’attention injuste et disproportionnée sur les anciens membres des forces armées et des policiers », a indiqué le ministère de la Défense.
Une amnistie bloquée par les protagonistes du conflit
Le principe d’une amnistie générale avait été évoquée. Mais elle a jusqu’ici été bloquée par les deux protagonistes du conflit : le Sinn Fein, entend que des soldats britanniques puissent être poursuivis pour leur action, tandis que les protestants du DUP craignent que cela n’autorise l’impunité des anciens de l’IRA. Plusieurs députés conservateurs se sont émus de cet état de fait, faisant circuler un email, parvenu au quotidien Telegraph, qui reproche au Premier ministre de ne pas avoir instauré de délai de prescription pour les anciens soldats faisant l’objet d’une enquête criminelle.
Une enquête criminelle toujours en cour
Le service de police d’Irlande du Nord (PSNI) a, en effet, ouvert une enquête sur un meurtre après le rapport Saville de 2010 qui avait conclu que les personnes tuées ou blessées le dimanche sanglant étaient innocentes. Mais cette enquête traîne en longueur. Elle est hautement sensible, mais se heurte aussi à des difficultés d’ordre technique et juridique, comme Sir Hugh Orde, l’ancien chef de police du PSNI (de 2002 à 2009), l’a confié au programme Spotlight de la BBC. « Il est très clair qu’après 50 ans, les chances de parvenir à des preuves permettant à un procureur de pouvoir engager des poursuites sont extrêmement faibles. » Les chances sont même « hautement improbables », juge-t-il.
(1) Des militaires d’un régiment de parachutistes de l’armée déployés pour maintenir l’ordre avaient ouvert le feu sur des manifestants de droits civiques, faisant 14 morts (13 morts durant la manifestation, un quatorzième décédé plus tard).
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Thomas Robert Malthus a mauvaise réputation depuis que, agacé par une conversation avec son père progressiste, il entreprit une réfutation de Godwin et Condorcet, deux figures de l'optimisme philosophique des Lumières, avec son Essai sur le principe de population. Face à la nouvelle foi dans le progrès, il soutenait que la croissance démographique serait bloquée par les limites de la croissance des ressources, selon ce principe demeuré fameux d'une progression géométrique de la première et (...)
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