Le propos qui suit s'intéresse à ce que peut faire un décideur public pour favoriser une souveraineté numérique. En réfléchissant à la notion de géopolitique du numérique et de ses conséquences sur la France, un des mots clefs paraît être celui de souveraineté. Or, il est intéressant que ce substantif qui, dans une conception classique, était absolu (la souveraineté) s’est vu ajouter des adjectifs : celui de souveraineté numérique (à la suite d’un débat lancé au début des années 2010 par Pierre Bellanger et devenu aujourd’hui commun) mais aussi celui de souveraineté économique, lui aussi ancien : cependant, il était réservé à une certaine partie de l’échiquier politique et il a vu son emploi élargi à la suite de la pandémie de Covid 19, quand l’opinion s’est rendu compte de la dépendance industrielle de l’Europe envers la Chine.
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Quelques rappels sur la souveraineté
A l’origine, la souveraineté est un mot issu de la philosophie politique classique. Le terme a traversé les siècles pour reprendre en France un nouveau relief au cours de la seconde partie du XXe siècle. En effet, il est très lié à la puissance et le débat autour de cette notion de souveraineté est typiquement français et continue de contribuer à l’exception française. Entre la France première puissance militaire à la sortie de la 1GM (regardons ici le défilé de la victoire en 1919) et le désastre de 1940, la France a connu les extrêmes de la puissance. Ce traumatisme traverse le XXe siècle, d’autant qu’il a été renforcé par les échecs des guerres de décolonisation et de l’intervention de Suez en 1956.
Aussi le discours sur la souveraineté croise-t-il deux autres thèmes : celui de l’indépendance (qui est très proche de la souveraineté) et celui de la puissance. Ces trois mots font partie de l’ADN des armées dont c’est au fond une mission principale. Le général de Gaulle a réussi à construire un discours sur l’indépendance qui a convaincu une majorité de Français (souvenons-nos toutefois qu’il était très controversé en son temps et que l’unanimité que son nom rencontre aujourd’hui est largement posthume). L’indépendance a été assurée par une autre décision, celle de devenir une puissance nucléaire (décision prise, toutefois, sous la fin de la IVe République), mise en œuvre par l’armée. Au fond, l’armée nouvelle voulue par De Gaulle est celle qui permet d’assurer militairement l’indépendance du pays. Le consensus bâti autour du nucléaire en résulte.
Mais l’indépendance, sous le mot de souveraineté, a aussi été soulignée dans les institutions. Sans parler de la coutume constitutionnelle qui attribue un domaine réservé au Président de la République, observons que le mot de souveraineté est régulièrement employé dans la Constitution : tout d’abord, la souveraineté émane du peuple et c’est sur cette souveraineté populaire qu’est fondée notre démocratie. Mais la souveraineté est aussi la souveraineté extérieure (l’autre face de la souveraineté populaire) et rejoint en ce sens l’indépendance.
Insistons : dans cette conception originelle, la souveraineté est donc d’abord politique et repose sur des moyens militaires pour être garantie. Et puisque nous nous intéressons au numérique en général et au cyber en particulier, examinons plus précisément la question de la souveraineté numérique.
Critères de décision de la souveraineté numérique
A la différence de l’espace physique sur lequel repose la conception traditionnelle de la souveraineté (qui s’entend sur un territoire, celui-ci étant un espace occupé par ses habitants qui en revendiquent l’occupation), le cyberespace n’a pas de limites physiques évidentes. Cela ne signifie pas qu’il n’a pas de limites physiques, simplement qu’elles sont difficiles à appréhender. Aussi, pour les besoins de l’analyse, il nous semble qu’il faille considérer la souveraineté selon les trois couches du cyberespace : couche physique, couche logique, couche sémantique.
De même, il convient de s’interroger sur l’échelle pertinente : s’agit-il de l’échelle française ? de l’échelle européenne ? d’une éventuelle échelle occidentale ? Autrement dit encore, quel niveau d’interdépendance est -on prêt à accepter ? Or, le cyberespace ne bénéficie pas de l’arme ultime (la silver bullet) qui marche à tout coups et assure à son détenteur un pouvoir de destruction imparable sur son adversaire. C’est bien pour cela que tous les discours sur la cyberdissuasion nous paraissent reposer sur une compréhension erronée tant de la dissuasion nucléaire que de la nature du cyberespace et de la conflictualité qui s’y déroule. Dans le monde classique, celui de la souveraineté, l’arme nucléaire a apporté à la France ce qu’elle avait perdu : l’assurance de pouvoir éviter le désastre de 1940, ce qu’elle avait vainement essayer de chercher entre les deux guerres avec la ligne Maginot.
Cela signifie que dans le cyberespace, une sécurité absolue paraît impossible. Ce qui semble invalider la possibilité d’une action seulement solitaire : plus exactement, le traitement de la souveraineté cyber suppose de savoir étager ce qui reste de la responsabilité absolue de l‘échelon national. Cela ne peut être qu’un domaine réduit en volume (peu d’informations à protéger) aussi à cause des moyens nécessaire à mettre en œuvre pour assurer cette protection maximale. Nous sommes alors au cœur de souveraineté et la souveraineté militaire doit obtenir tous les moyens pour l’atteindre. Hormis ce petit échelon national, la question se pose alors de ce que l’on doit protéger en plus (quel périmètre) donc de ce qu’on doit partager relativement (quels moyens).
A titre d’exemple : faut-il conserver en France, en Europe, en Occident, une capacité de fabrication de semi-conducteurs les plus avancés ? si oui, quel en est le modèle économique ? S’il s’agit (c’est probable) d’un bien dual, comment s’assurer que ledit produit rencontre la faveur du public tout en étant rentable ? L’exemple choisi appartient à la couche physique mais on pourrait à l’envi reproduire le raisonnement sur les autres couches, en articulant le besoin, l’échelon géographique pertinent et l’équilibre économique. Il faut ici se méfier de nos visions colbertistes qui ont quand même, en matière de technologie, produits assez d’échecs pour que nous nous méfions de nous-mêmes. Mais l’on voit bien que ces questions sortent du champ de responsabilité du décideur militaire qui peut difficilement les influencer.
Enfin, une troisième série de facteurs vient compliquer l’analyse, il s’agit des évolutions technologiques. Une culture d’ingénieur aurait tendance à ne voir ici que de la science. Or, dans le numérique, ne considérer que les aspects techniques risque souvent d’aboutir à l’échec. Le minitel fut une belle aventure rencontrant un vrai succès populaire, mais sa conception centralisée ne résista pas à l’architecture décentralisée proposée par les Américains. Or, nous avions les ingénieurs (je pense à Louis Pouzin) qui avaient proposé et mis au point cette architecture décentralisée. Ainsi donc, l’innovation est aussi, forcément, une innovation d’usage. On peut mentionner les beaux mots de 5G, de quantique, d’IA, de blockchain, si on n’anticipe pas les usages on court à l’échec. La veille ne doit donc pas être seulement technologique, elle doit s’intéresser aux usages….
L’équation est donc extrêmement difficile. Plus exactement, une fois qu’on a défini le périmètre à défendre absolument, (le cœur de souveraineté que j’évoquais à l’instant), il va falloir travailler pour la sécurité du reste avec un oxymore : une souveraineté relative. Les politistes ont choisi des mots compliqués pour essayer de rendre ce paradoxe : interdépendance, autonomie stratégique, etc… Ce n’est pas très convaincant, d’autant que le décideur en dernier ressort fixera peu de directions claires.
Ici, il me semble qu’une boucle OODA est appropriée. Attention toutefois à ne pas vouloir l’accélérer car la vitesse ne nous semble pas le critère le plus pertinent. Mais il s’agit bien d’organiser une veille (orientation et observation) qui permette d’identifier (dans les trois couches) les points sensibles. Quel serait le critère de la sensibilité ?
Nous voici ici au D de décider. La veille pour la veille n’est pas utile, la veille doit être effectuée aux fins d’action. Le chef doit exiger des comptes-rendus réguliers de la veille mais aussi des propositions de décision associées. C’est d’ailleurs pour cela aussi qu’il ne faut pas accélérer le rythme de la boucle OODA (contrairement à l’intuition de John Boyd). Ce processus est récurrent (à la différence de la bataille qui est temporaire) et il faut suivre le temps du chef (et donc ses disponibilités). La boucle OODA doit ici être lente.
L’action vient ensuite (là encore, la nécessité de l’action signifie que les points de veille ne doivent pas être trop rapprochés). Elle doit être suivie et surtout évaluée, car de ses résultats dépendent l’orientation du cycle suivant. Il faut donc des critères d’évaluation associés à chaque décision. Ces critères permettront de relancer la boucle sur le prochain cycle.
En conclusion, la souveraineté numérique semble impossible à atteindre (sauf pour un cœur très limité de cybersouveraineté nationale). On doit donc décider d’une souveraineté relative, tout paradoxale que soit l’expression. Cela suppose un dispositif de veille mais qui soit articulé sur des décisions, notamment de partage avec des alliés, dûment choisis et évalués.
O. Kempf
2020. október 27-én a Stratégiai Tanulmányok Központja Kutatás és Szakpolitika Szemináriumán James Boys brit politikatörténészt láttuk vendégül, aki jelenleg új könyvén dolgozik az ún. őrültség-elméletnek (Madman Theory) az amerikai politikában való alkalmazásáról, különös tekintettel Nixon és Trump elnökökre. Az őrültség-elmélet lényege, hogy a politikai vezető annak érdekében, hogy ellenfelét félrevezesse, irracionalitást, kiszámíthatatlanságot színlel. Boys a szemináriumon a könyvnek azt a fejezetét mutatta be, amely feltárja az őrültség-elmélet kezdeteit. A szálak az 1950-es évekbe és a Harvard Egyetemre vezetnek, ahol három tudományos elme, Thomas Schelling, Henry Kissinger és Daniel Ellsberg egymástól függetlenül dolgozták ki az őrültség-elmélet alapjait. Később együtt is működtek ebben a témában, sőt mindhárman prominens szerepet kaptak az amerikai kormányzatban, ahol a hivatalos külpolitika részévé is tették az őrültség-elméletet. Örömömre szolgált, hogy a szerzőnek én szolgálhattam opponenséül (discussant) a szemináriumon.
James Boys könyvéről és a szemináriumról szóló összefoglalóm a Stratégiai Tanulmányok Központja blogján jelent meg:
Boldog új évet, atlantisták!
Nemrég interjút adtam a Biztonságpolitika.hu alapító-felelős szerkesztőjének, Németh József Lajosnak a stratégiai kommunikáció szerepéről a nemzetközi kapcsolatokban. Az interjúban részletesen beszélek eddigi diplomáciai és tudományos karrieremről, a kreatív diplomácia általam megalkotott koncepciójáról és annak alkalmazásáról a magyar-amerikai kapcsolatokban. Örömömre szolgált, hogy a meggyőzés/befolyásolás és a haderő nemzetközi kapcsolatokban betöltött szerepének változásáról szólva támaszkodhattam mentoraim, Joseph Nye, Stephen Walt és Richard Rosecrance által fémjelzett elméletekre. Végül pedig beszélek az interjúban arról, mely fő tematika határozta meg eddigi tudományos kutatásaimat és miben állnak jelenlegi, az Egyesült Államok Kína-stratégiájának fejlődéséről végzett kutatásaim.
"Stratégiai kommunikáció; nyilvános diplomácia; kreatív diplomácia" - interjú dr. Fehér Zoltánnal
Dans le cadre du dossier annuel d'ER, voici un premier artticle pour cette année. J'ai un peu l'intention de revenir plus souvent... Il faut juste que je trouve le temps....
Thomas (ici) a en effet parcouru le vocabulaire militaire que notre confinement actuel pouvait évoquer : blocus, embargo, endiguement, autant de termes opératifs qui renvoient à notre expérience présente. A un détail près cependant : notre confinement n’a rien de militaire. On peut certes évoquer les hôpitaux de campagne qui ont été mis en œuvre, les liaisons aériennes par hélicoptères ou kits Morphée, les quelques PHA mis en alerte au profit des DOM-COM mais finalement, l’outil militaire a été peu utilisé. Certes, il faudrait aussi évoquer les conséquences opérationnelles du confinement sur les forces : entre les cas qui se sont déclarés sur le Charles de Gaulle ou sur le bâtiment américain Théodore Roosevelt au printemps, ou les mesures de confinement ajoutées à la préparation opérationnelle avant les Opex (ou au retour d’Opex). Rien là finalement qui n’attire l’intérêt au-delà des spécialistes.
Mais du coup, si l’on réfléchissait en termes de grande stratégie, celle qui est au-dessus de la stratégie militaire, celle que doit conduire le stratège politique qui préside aux destinées de la Nation ? Voyons cela...
Les pays fermés
Car le confinement est une stratégie qui peut se décider pour des raisons politiques et pas seulement sanitaires. Deux exemples viennent à l’esprit : la Corée du Nord et le Turkménistan.
Le cas de la Corée du nord est le plus connu. Pyong-Yang a en effet décidé de fermer ses frontières avec l’extérieur et de ne pas autoriser la libre circulation de ses citoyens à l’extérieur, et même à l’intérieur du pays. Mais l’expression de « royaume ermite », utilisée souvent pour désigner le pays, s’applique en fait à toute la péninsule, tant elle a été prise en tenaille entre de multiples puissances expansionnistes : Chine, Japon et Russie, traditionnellement. Depuis le XVIIe siècle, face à tant d’invasions, la Corée se ferme et se méfie de tout ce qui est étranger. En fait, la dynastie Kim reprend une vieille tradition coréenne. Dès lors, malgré l’ouverture de quelques zones franches, le pays vit refermé sur lui-même, ce qui constitue un de ses piliers géopolitiques.
Le Turkménistan est moins connu. A la suite de l’éclatement de l’URSS, le pays devient indépendant sous la houlette d’un dictateur, Saparmurat Niazov (qui meurt en 2006). Ce « Turkmenbachi » (père des Turkmènes) conduit une politique d’indépendance nationale autour de la langue turkmène, à la fois pour se dégager de l’influence russe et pour dépasser la structure tribale de la société. Cependant, malgré d’énormes richesses en hydrocarbures qui en font un eldorado gazier et constituent l’essentiel de ses relations extérieures, le pays s’enferme. Membre à l’origine de la Communauté des Etats indépendants qui a succédé à l’URSS, il en devient un simple « membre associé », afin de manifester une neutralité officielle. Dès lors, la population, jeune et endoctrinée par l’éducation du régime (autour du livre Ruhnama écrit par Niazov et qui a officiellement autant de valeur que le Coran), se voit interdire toute relation avec l’extérieur. Le système est donc moins dur que celui de Corée du Nord, le pays est plus riche grâce au pétrole, mais il reste enclavé et très distant envers toute communication étrangère.
Les pays murés
Une autre forme de confinement consiste à dresser des murs, des clôtures et des barrières à ses frontières. Certaines sont très anciennes (que l’on pense justement à la DMZ entre les deux Corées, qui date de 1953), d’autres bien plus contemporaines, pour des motifs divers. Constatons qu’en ces temps de mondialisation, donc d’ouverture, les murs et clôtures se multiplient, comme s’ils étaient une externalité de cette mondialisation.
Ils ont différentes formes et ne ressemblent pas tous à l’accumulation de grillages autour des présides de Ceuta et Melilla : ainsi, une marche peut constituer une telle barrière : un espace avec un obstacle naturel (ou pas) mais surtout aucun point de franchissement, manifestant la volonté des deux pays de ne pas échanger : par exemple la marche entre Panama et Colombie, ou celle entre Papouasie et Indonésie. De simples grillages peuvent suffire, comme entre Botswana et Zimbabwe (le Botswana a d’ailleurs invoqué des raisons sanitaires pour justifier, en 2003, l’érection de cette barrière électrifiée). Enfin, de véritables ouvrages avec beaucoup de technologie peuvent s’élever, comme aux frontières du Koweït ou celle d’Arabie Séoudite.
Il est vrai que la plupart de ces murs sont destinés à empêcher l’autre de venir. La barrière est alors tournée vers l’extérieur, créant deux zones : une qui serait « protégée », l’autre qui serait ouverte à tout vent. Le discours sanitaire est sous-jacent car l’autre est censé apporter avec lui bien des inconvénients dont on ne veut pas. L’autre est synonyme de danger. Ce peut être pour des raisons de contrebande (motif invoqué par le sultanat de Brunei face à la Malaisie orientale, ou par l’Inde face au Bengladesh), sécuritaires (Chine, Thaïlande, Ouzbékistan, Iran, Maroc) et bien sûr l’immigration (multiples exemples).
Des pays ouverts utilisent largement ces dispositifs : que l’on pense à l’Union Européenne et son dispositif Schengen (avec des zones très équipées, par exemple en Thrace), aux États-Unis (D. Trump a attiré l’attention sur cette barrière qui restait à terminer d’ériger) et bien sûr à Israël, qui a dressé un véritable mur de plusieurs mètres de haut à l’intérieur de son pays pour se séparer des zones officiellement attribuées à l’autorité palestinienne.
La barrière est un moyen de « réduire le risque », notre société contemporaine manifestant une aversion maximale au risque. De ce point de vue, elle obtient l’assentiment de la population qui y voit l’affirmation d’une souveraineté perçue comme menacée. Mais dans un certain nombre de conflits gelés, la barrière peut aussi constituer un signe d’apaisement permettant l’ouverture de négociation. Aussi bien, la barrière n’est pas aussi rigide que certains la présentent souvent. Elle est d’ailleurs efficace à court terme mais elle perd son usage dans le temps. Car l’étanchéité des murs paraît hypothétique notamment sur de longues distances. Élever une barrière ne suffit pas : il faut la surveiller, l’entretenir, être en mesure d’intervenir en cas de problèmes et de repousser « l’autre » qui voudrait passer en force. Autant de moyens humains qui sont indispensables et qui supposent des ressources constantes, rarement allouées dans la durée.
Confinements intérieurs
Dernier exemple de confinement stratégique, celui du confinement intérieur. Il peut affecter une population entière : la pandémie de 2020 nous a montré comment. Plus habituellement, il concerne certains espaces ou certaines catégories de la population.
On peut bien sûr penser aux zones réservées pour des motifs sécuritaires, telles les zones militaires (aux statuts divers, de la simple zone protégée aux zones sous haute surveillance) mais aussi les centrales nucléaires ou autres emprises Seveso. Nous sommes ici à cheval entre des motifs régaliens et des considérations de sécurité publique, sans même parler des clôtures particulières destinées à protéger la propriété privée. Mais au-delà de ces cas courants, il y a des confinements exceptionnels.
Le cas d’Israël construisant un mur intérieur le long de la ligne verte est symptomatique de ce confinement intérieur des espaces. N’oublions pas non plus les dispositifs d’apartheid comme ceux qu’a connu l’Afrique du sud.
Deux autres phénomènes existent, assez proches et admis socialement. D’une part, les zones d’accueil des gens du voyage, disposées partout sur le territoire. Les gens du voyage ont mauvaise réputation, précisément parce qu’ils n’ont pas de domicile fixe. A défaut d’un passeport individuel retraçant leur itinéraire sur le territoire, les autorités ont mis en place des obligations d’accueil géographique aux alentours des agglomérations. Autre phénomène, celui des « parcos », qui désignent en Italie ces regroupements de maisons entourées et gardées pour des raisons de sécurité. Le phénomène se répand notamment aux États-Unis, sous le nom de gated communities (quartier résidentiel fermé). Ces deux exemples retracent les phénomènes observés aux frontières extérieures. Le premier vise à cantonner les extérieurs dans des enceintes réservées (des sortes de frontières intérieures), quand le second vise à se protéger soi-même de l’extérieur en s’isolant. Dans un cas, le confiné est reflué dans l’espace clos, dans l’autre, l’espace clos sert à protéger le confiné.
Ainsi, le confinement constitue une stratégie générale visant à isoler deux populations, l’une « saine », l’autre « dangereuse ». Finalement, il constitue un outil courant permettant de séparer « le même » de « l’autre ». Il s’applique aussi bien aux frontières extérieures, soit qu’il faille empêcher la population de sortir, soit d’empêcher l’étranger d’entrer. Mais le phénomène existe aussi à l’intérieur, avec des sortes de confinements temporaires ou durables, permettant de confiner relativement telle ou telle population.
De ce point de vue, la situation que nous avons connue avec la pandémie et les confinements nationaux mis en place est extraordinaire, au sens premier du mot : En effet, il ne s’agit pas simplement d’empêcher la population de sortir du pays, mais tout simplement de limiter ses déplacements à l’intérieur du pays, à l’encontre d’une liberté de circulation qui apparaissait traditionnellement comme une liberté publique intangible.
Olivier Kempf
Voici une BD qui vaut le détour par deux thèmes rarement traités en BD : la RDA (République Démocratique d'Allemagne) d'une part, la géopolitique du football d'autre part.
L'histoire est assez simple : deux frères (le plus vieux à peine adolescent) s'échappent de la chute de Berlin en 1945. Un peu plus tard, ils se font recruter par la STasi, l'agence d'espionnage du nouveau régime communiste est-allemand. Ce sont de bons éléments au point que l'un d'eux est envoyé en "immersion" dans le pays d'en face, la RFA. Il devient membre de l'équipe nationale de football. Son petit frère reste lui au pays et encadre l'équipe nationale de RDA. Mais les deux équipes vont se rencontrer en match de poule dans un affrontement fratricide et hautement politique. Quelles attitudes vont-ils tenir, alors qu'ils ne se sont pas vus depuis dix ans ?
J'ai beaucoup apprécié, le déroulé de l'histoire, qui mêle de façon harmonieuse le débat affectif et politique entre les deux frères mais aussi leurs relations avec leur hiérarchie et surtout, tout l'environnement de l'époque, celui des deux équipes et celui de la société ouest-allemande. C'est parfaitement troussé et on s'interroge jusqu'au bout de ce qui va advenir, aussi bine pour le match de foot que pour le destin de chacun.
Comme tout roman graphique, le dessin est bien fait sans être trop léché, mais pas pour autant négligé. On reconnait notamment très bien les portraits. Pour les amateurs de football, voir Beckenbauer en fayot intransigeant et Paul Breitner en militant gauchiste est un moment succulent (que je ne connaissais pas....
Enfin, cette page d'histoire qui intervient au moment de la détente et juste après l'Ost-Politiik est si rarement traitée en BD qu'elle vaut à elle seule le détour. Dernier point : c'est aussi un voyage à l'intérieur des mécanismes de la Stasi (mais sur ce sujet, il y a plusieurs films qui sont sortis, vous les connaissez sans doute).
Bref, bonne idée de cadeau pour Noël si vous avez un proche amateur de politique et de football... Ou seulement amateur de BD, d'ailleurs;
O. Kempf
J'ai oublié de vous le dire : j'ai fondé l'institut de cybersécurité et de résilience des territoires (INCRT) après une réflexion de quelques mois et en association avec plusieurs amis et partenaires. Je salue notamment le Général (2S) Marc Watin-Augouard, qui a accepté de présider ce nouvel institut, dont vous pouvez trouver les détails à l'adresse : www.cyberterritoires.fr. Outre quelques articles ou études publiés ici ou là (notamment une étude publiée à la FRS, voir ici), j'ai répondu aux questions de l'institut, parmi d'autres (ici). Voici l'article ci-dessous
Mon Général, vous êtes une référence de la cyberstratégie en France. Vous avez publié votre premier livre sur le sujet en 2011, vous dirigez la collection cyberstratégie chez Economica, vous êtes chercheur associé à la FRS et membre du Conseil scientifique du FIC, vous êtes régulièrement consulté sur la question : Qu’est-ce qui pousse un homme de votre expérience à créer et vice-présider un Institut consacré à la cybersécurité et la résilience des Territoires ?
Une observation et une expérience.
L’observation que le dispositif français de cybersécurité s’est mis en place au niveau national depuis une dizaine d’années : création de l’ANSSI, renforcement des moyens au travers des diverses LPM, création de l’OG Cyber, mise en place du Pôle d’Excellence cyber, développement du FIC, croissance d’entreprises de toutes tailles qui bénéficient d’un marché lui-même en forte croissance… Tout ceci est parfait mais encore très centralisé, très parisien, très « grands comptes ». De même, l’UE s’est saisie du problème (Directive SRI, RGPD, définition des OSE). Mais là encore, on ne s’adresse qu’aux gros.
Ici vient l’expérience, qui est double. Les aléas de la vie m’ont conduit à plus pratiquer la « province », ce mot qu’on ose à peine prononcer mais auquel je trouve encore beaucoup de charme. Je l’ai fait pour des raisons privées mais aussi professionnelles. Aussi n’ai-je pas trop été surpris quand la pandémie est survenue et que tout le monde a dû passer d’un coup au télétravail. La Covid a plus fait pour la transformation numérique que toutes les initiatives que j’avais pu lancer dans mes précédentes fonctions. Tant mieux, mais ce faisant les territoires ont énormément augmenté leur surface de risque, d’autant plus qu’ils ont le plus souvent une culture très réduite de la cybersécurité.
Aussi m’a-t-il paru nécessaire de m’intéresser à ces territoires, en partant du bas, du terrain : de ce point de vue, le pragmatisme militaire qui fait partie de ma culture m’y aide beaucoup.
Quels sont les objectifs qu’un homme de votre expérience assigne à ce nouvel outil au service des territoires, quelles sont les valeurs que vous voulez y voir appliquées ?
Le premier principe est de partir du terrain, des besoins. Trop souvent, des vendeurs de solution viennent et débitent leur argumentaire, sans vraiment écouter ce que leurs interlocuteurs ont à dire. Or, chaque territoire est particulier. Une ville moyenne qui s’est spécialisée dans le tourisme n’aura pas le même besoin qu’une autre dans une région viticole ou une troisième qui a encore un gros tissu industriel menacé par la crise économique. Si la cybersécurité est une, s’il y a forcément des points communs, les besoins sont différents et il faut donc d’abord écouter et dresser des diagnostics ensemble, au vu des forces et faiblesses du territoire, avant de proposer des actions. Le deuxième principe est celui de la bienveillance : trop souvent, les victimes voient venir des spécialistes qui leur disent « mais vous n’auriez jamais dû faire ceci ou cela, ce n’est pas bien ». De fait, souvent on blâme la victime, comme si c’était sa faute. Je pense au contraire qu’il faut accompagner les victimes et les futures victimes pour les aider à progresser.
Le dernier principe va de soi mais il convient de le rappeler : il s’agit d’œuvrer pour le bien commun et la cohésion nationale et territoriale. Une fois encore, il faut compléter par le bas ce qui se fait bien au niveau central.
Selon vous, qu’est ce qui explique le retard pris par les territoires et leurs composantes dans la prise conscience de la cybercriminalité et la mise en place de mesure et d’outils de Cybersécurité ?
Le sentiment qu’ils sont trop petits pour être visés (sentiment partagé aussi bien par les CT que par les PME PMI). Accessoirement, une question de ressources disponibles : il y a tellement de besoins par rapport à des moyens limités qu’on ne prend pas les mesures minimales de cybersécurité. On « prend le risque » car on estime qu’il y a d’autres urgences. Celles-ci sont bien sûr légitimes mais il faut désormais faire uen petite place à la cybersécurité. On ne peut plus la négliger.
Le problème, c’est que désormais, tout le monde est visé, la cybermenace ne vise plus seulement les gros. On a connu une vague incroyable de fraudes au président ces dernières années, puis de rançonnages contre des collectivités publiques au cours des 15 derniers mois. Elle dure encore et ne cesse d’enfler. Accessoirement, la pandémie a forcé tout le monde à passer au télétravail, ce qui a ouvert de gigantesques portes aux agresseurs…
La cyber menace ne peut plus être ignorée. Y répondre fait partie désormais des facteurs d’attractivité d’un territoire.
Que propose l’INCRT pour accompagner les territoires dans ce défi, désormais presque quotidien ?
Tout d’abord, une veille et un éveil. Il convient de parler aux territoires mais aussi de les écouter. De ce point de vue, l’institut sera une plateforme qui permettra à chacun de suivre et de rencontrer.
Ensuite, nous irons dans les territoires à la demande des CT afin de présenter et sensibiliser, mais aussi de montrer que des solutions simples existent. Nous agirons bien sûr avec nos partenaires comme cybermalveillance ou la Gendarmerie nationale. Enfin, s’il y a des demandes plus précises, nous voulons aussi être un « do tank » et mobiliserons notre réseau d’experts pour répondre aux besoins exprimés.
Olivier Kempf
J'ai participé vendredi 1A3 novembre à la table ronde du Medays 2020, organisée sur les réactions à la pandémie, notamment du point de vue numérique.
Vous trouverez un bref compte-rendu de cette table ronde ici.
J'en extrait ceci : Selon Olivier Kempf, directeur de La Vigie, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique et directeur de la Collection Cyberstratégie chez Economica, la crise sanitaire a contribué au renforcement des inégalités dans l’utilisation des outils numériques et a augmenté le risque de cyberattaques, appelant ainsi à investir beaucoup plus dans ce domaine en vue de garantir la sécurité des systèmes d’information. Il a dans ce sens mis en exergue l’intérêt de l’Afrique et l’Europe à œuvrer ensemble et mobiliser leurs efforts, à travers un partenariat liant les deux continents et visant à tirer profit de cette révolution numérique. M. Kempf a ajouté que ce partenariat permet aux deux parties d’intégrer un marché potentiel de près de 2 milliards de personnes et de pouvoir ainsi concurrencer la Chine et les États-Unis.
OK
Cela fait des semaines, des mois que je n'ai pas publié : mille excuses. Je dos être mal organisé ou très pris (au choix). Voici donc un texte paru dans un dossier de l'IRIS sur "le virus du faux" (lien ici). J'y publie un texte sur la disparition de l'autorité scientifique, lisible ci-dessous. OK
La crise de la Covid 19 affecte en profondeur l’année 2020. Cependant, si les conséquences géopolitiques sont relatives, si les conséquences économiques sont énormes, la pandémie a accéléré un autre mouvement, plus discret et moins évident : celui de la perte de confiance envers l’autorité scientifique.
Permanences et accélérations
D’une part, les tendances lourdes du monde d’avant ont persisté. Certes, quelques-uns ont saisi des opportunités, comme la Chine qui en a profité pour accélérer sa maîtrise de Hong-Kong ou l’Arabie Séoudite qui a tenté de s’exfiltrer du Yémen. Le bilan médical de la pandémie sera lourd mais sans constituer par lui-même un choc démographique déstabilisant, à l’image de la Grande peste ou des ravages microbiens lors de l’invasion des Conquistadors. En revanche, les conséquences économiques de l’arrêt de la production mondiale pendant deux mois seront très sensibles et nous mettrons deux ou trois ans à les surmonter.
D’autre part et hormis la question économique, la crise a accéléré des phénomènes qui prévalaient. Mentionnons ici la prégnance accélérée des outils numériques, la radicalisation de la crise intérieure américaine ou encore une radicalisation politique de la gauche mondiale au profit d’une lecture systématique de communautés séparées sur la base de la couleur de peau (ne plus dire race), du genre (ne plus dire sexe) ou de la position victimaire.
Débat scientifique
Au chapitre des accélérations, le débat scientifique est arrivé sur la place publique. Il a pris des détours surprenants pour se concentrer sur les questions de médecine. Il est vrai que le confinement nous y forçait, puisque nous avons tous essayé de comprendre ce virus qui suscitait une réaction aussi radicale que la mise à l’abri de populations entières.
Ainsi, les virus ne sont pas des microbes, la transmission de virus d’animaux à l’homme est chose courante, notre patrimoine génétique s’améliore au fur et à mesure des résistances acquises par la rencontre préalable d’autres virus et maladies, etc. Accessoirement, ces virus se répandent plus facilement grâce à la mondialisation puisque celle-ci passe par des échanges beaucoup plus nombreux que par le passé.
Mais ces explications n’ont pas suffi. Il nous a fallu comprendre comment nous en étions arrivés là : passons sur l’impréparation et la faiblesse des moyens (de lits, de respirateurs, de masques, de tests, ces derniers n’étant toujours pas opérés en assez grand nombre) qui ont suscité leur lot de polémiques ; rapidement, la question a tourné autour des moyens de traiter ce virus, aujourd’hui et demain. Les autorités nous ont promu des tests cliniques de traitement qui étaient faits au niveau européen et dont nous devions avoir les premiers résultats en avril. Constatons que les résultats sont décevants, non seulement parce que les solutions n’ont pas été trouvées mais aussi parce que l’ampleur des tests à déçu.
L’affaire de la chloroquine
Alors est intervenu un personnage haut en couleur, le professeur Raoult, initialement présenté comme un des grands spécialistes mondiaux d’infectiologie. Il prônait un traitement précoce à base de chloroquine et expliquait qu’il obtenait de bons résultats. La planète médiatique prit alors feu. Avec son air de Panoramix, on avait l’impression du druide du village gaulois résistant à l’envahisseur, tandis que les élites poussaient des cris d’orfraie face à cet hérétique qui suivait sa propre voie. Dans cette nouvelle bataille d’Hernani, chacun pouvait avoir son avis d’autant plus que le « Conseil scientifique » mis en place par le gouvernement avait des avis qui semblaient évoluer au gré des circonstances.
Un peu plus tard, une étude tout aussi fracassante était publiée par une revue médicale de renom, the Lancet. Elle s’appuyait sur du Big data et concluait à l’ineptie des traitements par chloroquine. Le Conseil sanitaire décidait aussitôt qu’il fallait interdire la chloroquine (médicament utilisé depuis trois quarts de siècle contre le paludisme en Afrique et dont on ne savait pas qu’il présentait jusqu’alors de si grands dangers). Comme dans tout bon vaudeville, une semaine plus tard on apprenait que l’étude avait été « bidonnée », que les statistiques avaient été inventées par une société plus mercantile que médicale : the Lancet retirait la publication et l’OMS son avis contre la chloroquine.
Précisons ici que nous n’avons aucune idée du bien ou du mal-fondé de ce médicament mais qu’il est révélateur de bien des choses.
Autorité scientifique
Allons au fait : ces affaires, aussi bien celle de la pandémie que de la chloroquine, révèlent la fin de l’autorité scientifique. Voilà une nouveauté dont on discernait pourtant les signes mais qui est désormais établie.
Elle n’est pas surprenante tant les « autorités » traditionnelles se sont affaiblies : ce fut le cas des religions (relisez M. Gauchet sur le désenchantement du monde), des idéologies, des syndicats, des partis politiques ; il y eut le déclin de la presse, celui de l’école, celui de l’hôpital. Toutes ces institutions, toutes ces autorités morales se sont peu à peu affaissées. Voici d’ailleurs une des causes de la fin de l’universalisme.
La dernière autorité restait l’autorité scientifique. Les savants, du fait de leurs longues années d’étude, de leur rare prise de parole publique, de leur rigueur, mais aussi du reliquat d’un certain positivisme, hérité d’Auguste Comte, gardaient leur crédit. Nous croyions tous encore un peu au progrès, avec une part de raison.
Le progrès, toujours le progrès
En effet, nous avons évolué à propos du progrès. Nous avons compris que le progrès scientifique n’entraînait pas, contrairement aux illusions des siècles passés, un progrès social. Pour autant, nous savons bien que le progrès scientifique continue (même s’il est de moins en moins compréhensible) et surtout, nous observons dans notre vie quotidienne l’irruption du progrès technologique. Cela passe bien sûr par les technologies numériques (nous ne parlons pas bien sûr de l’ultime version de votre ordiphone qui appartient plus au domaine du marketing que de la technologie) mais pas uniquement : nos avions, nos voitures, nos outils, nos soins se sont améliorés. Nous attribuons ce progrès technologique au progrès scientifique. Et il est vrai que la science continue son œuvre et que la réponse scientifique à la pandémie a été remarquable, puisqu’on a isolé l’ADN du virus en quelques semaines et que les prototypes de vaccin sont testés partout. Jamais dans l’histoire de l’humanité une maladie nouvelle n’aura été traitée aussi rapidement. Et pourtant…
Impatience et défiance
Par impatience, nous comprenons mal que nous n’y soyons pas arrivés plus vite. Rappelons qu’on n’a toujours pas de vaccin contre le Sida, apparu il y a quarante ans, et qu’on traite difficilement cancer et Alzheimer…
Surtout, nous avons une certaine défiance envers l’aristocratie scientifique. Les premiers signes sont anciens : sans même évoquer les platistes (persuadés que la terre est plate), pensez à la controverse sur le changement climatique ou celle des antivax (anti-vaccins). Des parts toujours plus importantes de la population tiennent des discours (et adaptent parfois leurs comportements) sur la base de conceptions scientifiques manifestement erronées. Encore ne s’agit-il là que d’opinions, considérées comme marginales même si elles ont pris de l’ampleur grâce aux réseaux sociaux.
Avec la chloroquine (dans un contexte de confinement) c’est la population entière qui a pris parti, sachant que les démonstrations des uns et des autres ne convainquaient pas. De plus, la parole des « experts », qu’il s’agisse des membres des différents Conseils scientifiques ou académies, laboratoires ou universités, a semblé être altérée par des intérêts externes, politiques ou pécuniers ou tout simplement d’egos. Les déclarations flamboyantes de l’un, condescendantes des autres, ont toutes contribué au malaise.
Au fond, la science bénéficiait encore d’une image de neutralité qui lui donnait son autorité. Personne ne lui reproche son incertitude : car son objet consiste justement à dissiper, lentement et à tâtons mais avec méthode, cette incertitude. Mais on reproche à ceux qui s’en prévalent de ne pas toujours respecter cette neutralité qui fonde le bien commun ; de verser dans l’émotion, d’en faire l’objet de parti, donc de partition, donc de division. Ils ont abimé l’autorité, une des dernières qui nous restait. C’est dommage car le mal fait ne pourra être réparé.
Pour conclure
Ce propos n’est-il pas u peu sévère ? la science ne continue-t-elle pas, vaille que vaille, obtenant des résultats sans cesse plus étonnants ? Si, bien sûr, et l’attribution récente du prix Nobel de chimie à une chercheuse française nous le rappelle, elle qui mit au point la technique du CRISPR/Cas9 qui permet de réaliser du génie génétique. Observons que ce travail scientifique se fait dans l’ombre, entre experts qui ne sont pas contestés. Au fond, l’autorité scientifique pâtit d’être propulsée au-devant de la scène publique, que ce soit par le politique, par les médias, par l’émotion. La science poursuit son chemin, elle ne tolère plus en revanche d’être confrontée au débat public qui tourne souvent à la polémique (car voici au fond un des grands défauts de l’époque : celui de ne plus avoir de débat, mais seulement des polémistes qui ne s’écoutent pas réciproquement).
Pour autant, peut-elle s’en abstraire ? Car des débats récents se font jour qui manquent visiblement de culture scientifique : par exemple celui sur l’alternative des énergies renouvelables par rapport à l’énergie nucléaire, ou la curieuse polémique entourant le déploiement de la 5G qui serait anti-écologique et mauvaise pour la santé -on connut un peu la même chose avec les éoliennes ou les compteurs Linky). La science est donc placée au milieu d’une contradiction : celle de ne pouvoir trop interférer dans le débat public mais de ne pas non plus le négliger complètement…
This report is for media and the general public.
The SMM recorded fewer ceasefire violations in both Donetsk and Luhansk regions compared to the previous day. The Mission recorded a significant level of fighting during the night of 5-6 August in Donetsk region. The SMM analysed craters in Krasnohorivka, Pikuzy (formerly Kominternove) and Sakhanka. It observed weapons in violation of the withdrawal lines in government-controlled areas. The Mission noted the absence of 12 towed howitzers from permanent storage sites in “LPR”-controlled areas. It faced four freedom-of-movement restrictions, all in areas not controlled by the Government. The SMM received concrete responses to recent incidents by the Ukrainian Armed Forces representative at the Joint Centre for Control and Co-ordination, but no such information regarding incidents that took place in areas not controlled by the Government.
The SMM noted fewer ceasefire violations[1] in Donetsk region compared to the previous reporting period.
On the evening of 4 August, while in Donetsk city centre the SMM heard in two minutes 14 undetermined explosions 6-8km north-north-west of its position. On the night of 5-6 August, the SMM heard 42 undetermined explosions, including 30 assessed as anti-aircraft cannon rounds, 7-10km north of its position.
On night of 4-5 August, whilst in “DPR”-controlled Horlivka (39km north-east of Donetsk), the SMM heard two undetermined explosions 8-10km north-west of its location. Earlier that evening, the SMM had heard in one minute 20 explosions assessed as outgoing mortar rounds, explosions assessed as automatic-grenade-launcher and recoilless-gun rounds as well as heavy-machine-gun bursts 700-1000m north of its position 7km north of Horlivka. While in Svitlodarsk (57km north-east of Donetsk) the SMM heard two explosions assessed as impacts of 82mm mortar rounds 4-5km south-east of its location.
The SMM camera in Shyrokyne (20km east of Mariupol) between 21:39 and 21:48 on 4 August recorded 11 rocket-assisted projectiles fired from west to east and one undetermined explosion at unknown distance north-west of its position. During the night of 5-6 August, in about three hours, the camera recorded 118 undetermined explosions as well as bursts of tracer fire (in sequence) from south-west to north-east, west to east and east to west.
Positioned in government-controlled Avdiivka (17km north of Donetsk), the SMM heard within 50 minutes in the afternoon 94 undetermined explosions assessed as rounds of different weapons (82mm and 120mm mortar, automatic grenade launcher), as well as heavy-machine-gun fire 4-6km south-east of its position. In the course of the day, whilst positioned in “DPR”-controlled Yasynuvata (16km north-east of Donetsk) the SMM heard 20 undetermined explosions at locations ranging from 2 to 6km west, west-north-west and north-north-west of its position.
In one hour in the morning, whilst in Svitlodarsk, the SMM heard 26 undetermined explosions 10-12km north-west, and four undetermined explosions 10-12km north-north-east of its position. In the night hours of 5-6 August, within just over two hours around midnight from the same location, the SMM heard 42 explosions, including 30, which it assessed as impacts of 120mm mortar rounds 4-5km south-east of its position. In Horlivka, on the same night, the SMM heard 43 explosions, including 27 it assessed as outgoing mortar rounds 7-9km north-west of its position.
In Luhansk region the SMM noted fewer ceasefire violations compared to the previous day, with no ceasefire violations recorded during the night of 4 August. Positioned 2km north of “LPR”-controlled Hannivka (58km west of Luhansk), the SMM heard one undetermined explosion 5-15km west of its position. Positioned in “LPR”-controlled Veselohorivka (65km west of Luhansk), within about 20 minutes, the SMM heard over a dozen bursts of small arms 2km east of its position.
The SMM followed up on civilian casualties and conducted crater analysis. At the Kalinina hospital morgue in “DPR”-controlled Donetsk city, the SMM accompanied by Russian Federation Armed Forces officers at the Joint Centre for Control and Co-ordination (JCCC), observed the body of a woman with extensive shrapnel injuries to her head, neck, limbs and torso. According to the autopsy report, she had succumbed to shrapnel injuries she had received due to triggering a booby trap while working in her garden in Donetsk city’s Petrovskyi district on 4 August.
On 4 August, in “DPR”-controlled Pikuzy (formerly Kominternove, 23km north-east of Mariupol) the SMM saw four fresh craters, all of which it assessed as caused by 120mm mortar rounds. The SMM assessed the first crater near an abandoned house as caused by a round fired from a westerly direction. The second crater was in the backyard of a house inhabited by an elderly woman and the SMM assessed that the round had been fired from a south-westerly direction. The last two craters were located near a road in the same area and the SMM assessed that one round had been fired from a north-north-westerly direction and the other – from a north-westerly direction. According to residents, the shelling had taken place between 06:00-06:35 on 3 August. No casualties were reported.
In Sakhanka (“DPR”-controlled, 24km north-east of Mariupol), the SMM saw three fresh craters. The first crater was 20m away from an electricity sub-station and the SMM assessed it as caused by a projectile fired from a westerly direction. The SMM saw shrapnel damage to the sub-station. The SMM assessed the second crater, which was located in a field at the outskirts of the village, as caused by a 120mm mortar round fired from a north-westerly direction. The third crater was located in the backyard of a house inhabited by a middle-aged woman and the SMM saw two broken windows. The SMM assessed it as caused by a projectile fired from a north-north-westerly direction. Residents told the SMM that the shelling had occurred on 3 August at 22:30. No casualties were reported.
In Molodizhne (“DPR”-controlled, 20km south of Donetsk) the SMM saw nine fresh impact sites in a “detention” facility guarded by armed “DPR” members. One impact had caused the south-east part of the flat roof of an administrative building to partially collapse. The remainder of the impacts had struck the hard surface of the yard. The SMM assessed four of the craters as caused by 122mm or 152mm artillery rounds fired from a south or south-westerly direction, while a fifth had been caused by a projectile of unknown calibre fired from a northerly direction. The SMM was unable to analyse the remainder of the craters as they had been tampered with. According to the “head” of the facility, the shelling had occurred around midnight on 4 August. He also told the SMM that two “detainees” had sustained minor injuries. Medical personnel at the Dokuchaievsk hospital who treated them told the SMM that one had a shrapnel injury to his ankle and the other - to his chest and jaw. Both had been released back to the facility less than two hours after their arrival to the hospital. Near the facility, the SMM saw a two-storey house with a shattered window and spoke to a resident living in the house who stated that the window had been shattered by shrapnel around midnight on 4 August.
In government-controlled Krasnohorivka (21km west of Donetsk) the SMM visited two residential properties reportedly shelled on the night of 4-5 August. At the first, the SMM saw a crater in the asphalt surface on the yard of the house, and minor shrapnel damage to the nearby east-facing wall. The SMM saw the tail fin of an 82mm mortar round stuck in the asphalt and assessed that the round had been fired from an east-south-easterly direction. At the second location, a five-storey apartment building, the SMM saw a direct impact on the east-facing wall and assessed it as caused by an 82mm mortar round fired from an east-north-easterly direction. No casualties were reported at either location.
The SMM continued to monitor the withdrawal of weapons, in implementation of the Package of Measures and its Addendum, as well as the Minsk Memorandum.
In violation of the respective withdrawal line, the SMM observed in government-controlled areas: one surface-to-air missile system (9K33 Osa, 120mm) westbound on the M04 (E50) road near government-controlled Selidove (41km north-west of Donetsk), and two tanks of unknown type in “LPR”-controlled areas of Zolote (60km north-west of Luhansk).
Beyond the respective withdrawal line but outside assigned areas, the SMM observed 13 stationary tanks (T-64) at the training area near “LPR”-controlled Myrne (28km south-west of Luhansk).
The SMM observed weapons that could not be verified as withdrawn, as their storage does not comply with the criteria set out in the 16 October 2015 notification. In a government-controlled area beyond the respective withdrawal lines the SMM saw 11 multiple-launch rocket systems (MLRS; BM21 Grad 122mm). The SMM also observed that one area continued to be abandoned, as it had been since 26 February, with 12 MLRS (BM21 Grad 122mm) and two surface-to-air missile systems (9K35 Strela-10, 120mm) missing. In “DPR”-controlled areas, the SMM noted the presence of eight anti-tank guns (MT-12 Rapira, 100mm) and six self-propelled howitzers (2S1 Gvozdika, 122mm).*
The SMM revisited permanent storage sites, whose locations corresponded with the withdrawal lines. At “LPR”-controlled sites the SMM noted that 12 towed howitzers (D-30 Lyagushka, 122mm) were missing.
The SMM observed armoured combat vehicles in the security zone. In “LPR”-controlled Kalynove (60km west of Luhansk), the SMM observed one armoured personnel carrier (BTR-80) with 12 armed “LPR” members on board travelling west and one stationary combat engineering vehicle (IMR-2) on a tank (T-72) chassis.
The SMM continued to insist on accountability and responsibility for violations related to impediments to SMM monitoring and verification. The SMM continued to follow up on the incident of 2 August when SMM monitors were threatened at gunpoint at a known Ukrainian Armed Forces position near Lobacheve (17km north-west of Luhansk) (see: SMM Spot Report, 3 August 2016). At the JCCC in government-controlled Soledar (79km north of Donetsk), the Ukrainian Armed Forces representative presented the SMM with details of the investigations and disciplinary measures taken against the perpetrators. With regard to the shots fired at the SMM mini unmanned aerial vehicle near Lobacheve on 30 July (see SMM Daily Report 1 August 2016), the representative informed the SMM that the person responsible had been identified and he had disobeyed direct orders.
In relation to the violation near Lukove (72km south of Donetsk) (see: SMM Spot Report, 29 July 2016) in which armed individuals had threatened the SMM at gunpoint, Mr. Zakharchenko continued to refuse to meet the SMM in order to indicate effective steps taken in response.*
The SMM reminded the JCCC of continued restrictions and impediments to monitoring and verification, including in the areas near Zolote and Petrivske, and reminded the JCCC of its obligations under the Addendum to help ensure these and other violations were remedied as a matter of urgency. The SMM likewise reminded the JCCC that many of these restrictions were caused by mines, which the signatories of the Memorandum of September 2014 had insisted should be removed, and the Trilateral Contact Group's decision of 3 March, stipulating that the JCCC should be responsible for overall co-ordination of mine action, with the support of the SMM.
The SMM observed the presence of unexploded ordnance (UXO). The SMM revisited an area in Debaltseve (“DPR”-controlled, 58km north-east of Donetsk) where it had seen UXO assessed as an MLRS round (BM27 Uragan, 220mm; see SMM Daily Report 5 August 2016). A local farmer stated that “emergency services” had visited the site on 4 August and declared the rocket safe. He also showed the SMM another UXO on a footpath in the area, which the SMM assessed to be a 122mm artillery shell. The SMM informed the JCCC of the location of both pieces of UXO.
The SMM observed a new mine hazard sign 2km west of government-controlled Lobacheve (18km north-west of Luhansk) on the side of the road, which connects Lobacheve to government-controlled Lopaskyne (24km north-west of Luhansk). The sign read “Mines” in Russian and was hand-written on white cloth, which was hung on a movable wooden barrier.
The SMM continued to observe queues of pedestrians at the Stanytsia Luhanska bridge. In the morning between 09:09 and 10:09 the SMM saw 203 people (mixed gender and age) leaving government-controlled areas through the government checkpoint. In the same time period, the SMM saw 265 people (mixed gender and age) entering government-controlled areas through the same checkpoint. At 10:22, the SMM saw some 450 people still queuing to leave government-controlled areas. The SMM saw no traffic in the opposite direction. Between 15:45 and 16:15 the SMM observed 115 people (mixed gender and age) enter government-controlled areas through the government checkpoint. Within the same time frame, the SMM saw 132 people (mixed gender and age) proceed in the opposite direction.
*Restrictions to SMM’s freedom of movement or other impediments to the fulfilment of its mandate
The SMM’s monitoring is restrained by security hazards and threats, including risks posed by mines and unexploded ordnance, and by restrictions of its freedom of movement and other impediments – which vary from day to day. The SMM’s mandate provides for safe and secure access throughout Ukraine. All signatories of the Package of Measures have agreed on the need for this safe and secure access, that restriction of the SMM’s freedom of movement constitutes a violation, and on the need for rapid response to these violations.
Denial of access:
Conditional access:
[1] Please see the annexed table for a complete breakdown of the ceasefire violations as well as map of the Donetsk and Luhansk regions marked with locations featured in this report.
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This report is for media and the general public.
On 6 August at 07:51hrs the SMM heard an explosion approximately 3.9km east of its location in Luhansk city.
The SMM went to the site from where it had heard the explosion located at the intersection of Karpynsky and Vatutyn Street in Luhansk city, 500m north-east of SMM’s accommodation. The site was cordoned off, by so-called “LPR” “police” and the SMM could assess from a distance of approximately 15-30 meters, that an explosion had likely been caused by an improvised explosive device (assessed as approximately 1kg of high explosives) placed next to or in, a lamp post about two meters away from the vehicle, which was damaged and downed, at the side of the road. The SMM saw a black sport utility vehicle “Toyota Landcruiser Prado” severely damaged with windows shattered and front and side airbags deployed.
“LPR” “police” members at the site told the SMM that there were two casualties, without giving further details. Mr Vladislav Deynego, “LPR” member, told the SMM that Mr Plotnitsky was “in a bad condition and not able to receive visitors.” At the time of writing, the SMM could not reach personnel at either of the two hospitals in Luhansk city for confirmation.
The SMM will continue following up to confirm the information, and observe further developments.
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“Countries in the OSCE have committed themselves to consider the complete abolition of capital punishment, not to reconsider that abolition,” the ODIHR Director said. “Yesterday’s call by the Prosecutor General in Tajikistan for the reintroduction of capital punishment in that country is completely out of place in a region where most of the countries recognize the inherently cruel, inhuman and degrading nature of a punishment that fails to act as a deterrent and makes any miscarriage of justice irreversible.”
Tajikistan’s Prosecutor-General, Yusuf Rahmon, told a press conference yesterday that perpetrators of premeditated murder, terrorists and traitors must be punished by death. His words followed similar statements by other leaders, among them President Recep Tayyip Erdogan of Turkey and President Viktor Orban of Hungary, suggesting that the reinstitution of the death penalty should be opened for discussion.
Tajikistan suspended the application of the death penalty in 2004, while Turkey and Hungary completely abolished capital punishment, in 2004 and 1990, respectively.
“Rather than reversing its course, it is my hope that Tajikistan will take further steps toward the complete abolition of the death penalty,” he said. “It is also my hope that Turkey, remains with the vast majority of the OSCE participating States and will continue to act as a strong advocate for the global abolition, as it has in recent years.”
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