Le travail des institutions communautaires est de plus en plus perturbé par la pandémie de coronavirus. Le sommet de jeudi 15 et vendredi 16 octobre a ainsi vu, coup sur coup, le départ de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, puis de la Première ministre finlandaise, Sanna Marin, qui se sont placées en quarantaine, un membre de leur entourage immédiat ayant été testé positif au Covid-19. Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, n’a pu faire le voyage de Bruxelles, car il a été en contact avec une personne testée positive juste avant le conseil européen…
Quarantaine
Déjà, le sommet des 24 et 25 septembre avait dû être retardé d’une semaine, le président du Conseil, Charles Michel, ayant dû se placer en quarantaine. Il est d’ailleurs étonnant qu’il ait pris le risque de réunir deux fois à quinze jours d’intervalle un sommet physique des vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement alors que la pandémie connaît un rebond. Autant celui de fin juillet se justifiait, l’adoption du fonds de relance de 750 milliards d’euros et du budget européen pour la période 2021-2027 impliquant des négociations en tête-à-tête, autant les deux sommets d’automne auraient pu se tenir virtuellement, la minceur de leur agenda ne justifiant pas un déplacement des «chefs». Un problème d’ego de Charles Michel, selon de nombreux diplomates.
Ursula von der Leyen, elle, joue décidément de malchance, car c’est la seconde fois qu’elle doit se placer en isolement et sans doute pas la dernière, sa fonction, comme celle de tout le personnel politique d’ailleurs, impliquant un minimum de rencontres physiques.
Le Parlement européen, lui, après avoir repris ses sessions physiques en septembre après six mois d’interruption, a décidé, jeudi, non seulement de ne pas retourner à Strasbourg, mais de se réunir uniquement virtuellement. Pour le personnel des institutions, le télétravail reste aussi la règle comme c’est le cas depuis sept mois, ce qui a permis de limiter la diffusion du virus. Même les journalistes accrédités auprès des institutions voient leur travail bouleversé : la quasi-totalité des conférences de presse se déroule par téléconférence.
Des sommets virtuels
Autant dire qu’il est douteux qu’un sommet physique ait à nouveau lieu avant l’année prochaine. Les Vingt-sept ont d’ailleurs convenu, au cours de leur sommet de jeudi et de vendredi de se réunir chaque semaine, mais virtuellement. Ils ont enfin pris conscience qu’il était nécessaire de coordonner les mesures nationales de lutte contre la pandémie. En effet, on a l’impression que le virus se comporte différemment selon les pays tant les restrictions sont différentes d’un pays à l’autre : quarantaine de sept ou de quatorze jours, masque obligatoire en intérieur et/ou en extérieur, fermeture des bars et restaurants, interdiction de recevoir chez soi et/ou interdiction de sortir dans la rue la nuit, interdiction de voyager, de transporter des instruments de musique, d’aller sur les plages, et ainsi de suite. Cette extrême diversité des politiques sanitaires n’est pas rassurante puisque cela confirme que les gouvernements et les scientifiques n’ont pas la moindre idée de la façon dont le virus se diffuse et qu’ils multiplient des mesures bureaucratiques pour donner l’impression d’agir. Surtout, l’enjeu économique et social devient crucial, un effondrement des sociétés européennes (et donc des systèmes de santé) n’étant dans l’intérêt de personne.
Photo: EPA-EFE/OLIVIER HOSLET / POOL
N.B.: article paru le 19 octobre
Retenez-moi ou je fais un malheur ! L’Union européenne et le Royaume-Uni sont montés dans les aigus alors que les négociations d’un accord commercial entre les deux rives de la Manche patinent et que l’échéance du 31 décembre, date de la sortie de Londres du marché unique, approche dangereusement.
En prenant connaissance des conclusions du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement qui s’est achevé vendredi, Boris Johnson, le Premier ministre britannique, a estimé, de Londres, que les Européens avaient «abandonné l’idée d’un accord de libre-échange. Il ne semble y avoir aucun progrès de la part de Bruxelles. Donc ce que nous leur disons, c’est : venez nous voir en cas de changement fondamental d’approche, sinon, cela nous va très bien de parler des détails pratiques» d’une sortie sans accord. Un porte-parole du 10, Downing Street en a rajouté une couche quelques minutes plus tard : «Les négociations commerciales sont maintenant terminées. Les Européens y ont mis fin en disant qu’ils refusaient de modifier leur position de négociation.»
«Nous achoppons sur tout»
Côté européen, le ton n’est pas plus amène : «L’état de nos discussions n’est pas que nous achoppons seulement sur la pêche, nous achoppons sur tout», a sèchement résumé Emmanuel Macron. Et de marteler que «nous sommes prêts à un accord, mais pas à tout prix». «Les vingt-sept Etats qui ont choisi de rester dans l’Union n’ont pas vocation à rendre heureux le Premier ministre britannique», a-t-il averti. D’ailleurs, lundi, l’équipe de négociations de l’Union européenne retourne à Londres pour essayer de conclure les discussions d’ici à la mi-novembre, date limite pour qu’un accord puisse être ratifié et entré en vigueur au 1er janvier. Signe encourageant, si l’on peut dire : pour l’instant, «BoJo» ne lui a pas dit de rester à la maison…
En réalité, Boris Johnson devait surjouer la crise, puisque c’est lui-même qui a fixé au 15 octobre la date limite pour conclure la négociation, en espérant que cela amènerait les Européens, forcément terrorisés à l’idée d’être isolés de la Grande-Bretagne, à se montrer plus flexibles. C’est raté. Les Vingt-Sept sont restés impavides sur leurs lignes rouges, même s’il est vrai que beaucoup d’Etats aimeraient bien conclure un traité avec Londres pour limiter la casse supplémentaire que provoquerait une sortie sans accord commercial : car, dans ce cas, non seulement les marchandises ne circuleraient plus librement, mais elles seraient aussi frappées d’un droit de douane et des restrictions quantitatives s’appliqueraient. En clair, on ajouterait du sable au sable qui va déjà fortement ralentir la mécanique du commerce entre les deux rives de la Manche.
Pire ou encore pire
Le dossier sur lequel Londres espérait diviser les Européens est celui de la pêche qui n’intéresse qu’une partie des Etats, dont la France. Mais, comme l’a rappelé Emmanuel Macron, le problème des Britanniques n’est pas seulement avec les droits de pêche des Européens dans leurs eaux, mais avec toutes les autres exigences de l’Union qu’ils rejettent parce qu’elles portent atteinte à leur «souveraineté» retrouvée. «Ils veulent avoir un libre accès à notre marché unique, mais sans respecter nos règles», a résumé le chef de l’Etat français, ce qui est impensable car ce serait accepter un «dumping» environnemental, social, sanitaire, etc.
Emmanuel Macron a ironisé sur la demande britannique de négocier chaque année l’accès à leurs eaux territoriales : «Va-t-on aussi négocier chaque année les conditions d’accès de leurs entreprises au marché intérieur ?» Et de rappeler que «les Britanniques ont plus besoin de nous que nous n’avons besoin d’eux». Il a pris pour exemple le marché de l’énergie qui représente entre 700 millions et 2,5 milliards d’euros pour les Britanniques alors que la pêche ne représente que 600 millions net pour l’Union européenne… Bref, si le Royaume-Uni joue la politique du pire, il va le sentir passer, l’Union n’ayant aucune intention de lui faciliter la tâche. Londres n’a en fait qu’un choix : pire ou encore pire…
N.B.: article paru le 16 octobre