Comme le Premier ministre polonais, Viktor Orban s’oppose au budget de relance de l’UE. Photo John Thys. AFP
C’est tout sauf une surprise : la Hongrie et la Pologne ont bloqué lundi l’adoption du cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP, près de 1100 milliards d’euros) et du fonds de relance (750 milliards), un accord unanime des Vingt-Sept étant nécessaire. Elles s’opposent, en effet, à un projet de règlement européen qui lie le versement futur des subventions européennes au respect de l’Etat de droit. «VETO ou la mort : c’est le mot d’ordre symbole de défense de la souveraineté polonaise face aux ambitions non démocratiques et idéologiques des eurocrates», avait ainsi tweeté, début novembre, le vice-ministre polonais Janusz Kowalski…
«Une solution sera trouvée»
Mais la messe n’est pas encore dite puisqu’il s’agissait seulement d’une réunion au niveau des ambassadeurs. L’affaire va désormais remonter aux ministres et sans doute au Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement des 10 et 11 décembre afin d’essayer de trouver une solution politique à un problème politique. Le sort du plan de relance, destiné à aider les pays les plus touchés par la pandémie de coronavirus à se relever, ne sera scellé que si les Parlements hongrois et polonais refusent de le voter. Et même là, les discussions pourront se poursuivre puisque l’Union pourra continuer à fonctionner sur la base du budget 2020 qui sera reconduit à l’identique en 2021… Mais cela retardera d’autant la mise en œuvre du fond de relance que les Vingt-Sept souhaitaient activer avant la fin de l’année.
A Paris, on se montre confiant. «Une solution sera trouvée dans les toutes prochaines semaines, a affirmé Clément Beaune, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes. Nous avons fait le choix de voter dès aujourd’hui, pour que chacun prenne ses responsabilités. Chaque pays a intérêt à une relance européenne rapide. Nous sommes prêts à poursuivre les discussions dans les jours qui viennent, sans renoncer à nos valeurs ni à l’accord politique historique et unanime obtenu au mois de juillet.»
Virer Budapest et Varsovie ?
Mais comment parvenir à un accord avec Budapest et Varsovie ? Une révision à la baisse du projet de règlement sur l’État de droit paraît difficile, le Parlement européen et les pays «radins» – qui n’ont accepté que du bout des lèvres le plan de relance - en ayant fait une condition sine qua non. Il est plus probable que les Vingt-Cinq vont leur offrir davantage de subventions : dans l’actuel plan de relance, la balance entre les subventions, remboursées par le budget européen, et les prêts bonifiés, pris en charge par chaque État, est pour l’instant plutôt défavorable pour les pays de l’Est qui n’ont pas connu une forte première vague. Le problème est qu’il faudra alors que d’autres pays renoncent à une partie de leurs subventions…
Une autre solution serait de sortir le fonds de relance des mécanismes communautaires et de signer un traité international comme celui qui régit le Mécanisme européen de stabilité (MES). Le problème est qu’il s’agit d’une vraie usine à gaz : il faudra l’unanimité des États pour chaque décaissement sans compter, pour certains pays comme l’Allemagne, un vote conforme de leur Parlement. En outre, le remboursement ne pourra pas se faire via le budget européen : soit chaque État devra rembourser les sommes reçues, ce qui tue l’idée même d’un emprunt commun, soit il faudra créer un budget ad hoc…
Enfin, si aucun compromis n’est trouvé, les partenaires de la Pologne et de la Hongrie disposent d’une arme nucléaire en les menaçant de les virer de l’Union. Impossible ? Dans le cadre des traités actuels, c’est vrai. Mais rien n’interdit aux pays qui le veulent de signer un nouveau traité créant une nouvelle UE et de laisser les récalcitrants dans l’actuelle UE vidée de sa substance. Cette solution brutale avait été envisagée en juin 1992 au lendemain du «non» danois au traité de Maastricht au cas où le pays n’aurait pas changé d’avis… Ce veto pourrait donc se terminer pas une déroute pour Budapest et Varsovie, eux qui ont un besoin vital de l’argent de l’Union.
N.B.: article publié le 17 novembre