(B2) Il faut lutter contre la désinformation, les fake news, faire face aux ingérences. C’est devenu le nouveau leitmotiv à la mode à Bruxelles et dans certaines capitales. Une tentation bien commode pour éviter de pointer le doigt sur un problème : le défaut d’information
(crédit : EULEX Kosovo)
Les ministres des Affaires étrangères en discutent ce lundi, après leurs collègues des Affaires européennes. Les chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient penchés sur la question en décembre dernier (lire : Stop à la désinformation. Les ’28’ demandent d’agir vite), sur la base d’un ‘plan d’action’ présenté par la Commission européenne en décembre (lire : Un système d’alerte rapide, des unités anti-propagande du SEAE renforcées. Le plan d’action anti-fake news de la Commission). Ils oublient, tous, un point principal. Les responsables politiques sont eux-même à l’origine de certaines tentatives de désinformation.
Un vrai problème…
Il y a un vrai problème de tentative d’influence, de déstabilisation, par le biais de fake news et autres instruments de la Russie. Inutile de tourner autour du pot et de se le cacher. Mais d’une part, ce problème n’est pas vraiment nouveau. Cela s’appelait auparavant la ‘propagande’ ; ce sont juste les instruments techniques qui ont changé. D’autre part, il n’est pas insurmontable.
… et une vraie question
Cela pose une vraie question cependant, de société, aux responsables politiques comme à la presse : que faut-il faire ? passer son temps à démentir, corriger des informations ? C’est, en termes d’efficacité, assez et même très limité. Cela revient à écoper un océan avec une épuisette, et dans le pire des cas, à donner davantage de valeur à ce qui est au départ une vulgaire imbécilité. En un mot, c’est travestir le devoir d’information qu’ont les pouvoirs publics et le métier de journalisme. Peut-être faudrait-il commencer par une réelle politique d’information.
La désinformation à l’européenne
Les tentatives de désinformation ne sont pas le monopole de la Russie. D’autres l’utilisent, de manière parfois plus ‘douce’, y compris au sein des gouvernements nationaux ou des instances européennes, donnant des coups de butoir à l’information.
Première entaille : la transparence bafouée
Exception faite du Parlement européen, la plupart des décisions au niveau européen sont prises, portes fermées. La contrepartie de cette logique, prise au nom du compromis et du réalisme, devrait être une certaine transparence, un rendu précis et concret des décisions. La Commission européenne s’y astreint (de manière plus ou moins réussie) : après chaque réunion de la Commission, un commissaire ‘descend’ en salle de presse pour rendre compte. Au Conseil de l’UE, le compte-rendu obligatoire est beaucoup moins respecté.
De façon courante, maintenant, la conférence de presse sensée rendre compte des décisions tourne au long monologue, suivi de 2 ou 3 questions. Et, après, « désolé… le ministre, le commissaire, est pressé, a un autre rendez-vous, doit prendre l’avion, etc ». C’est ainsi le cas de la première conférence de presse de la présidence roumaine de l’UE, le 8 janvier. Le ministre des Affaires européennes, George Ciamba, était pressé. Résultat, il a ‘oublié’ de rendre compte de la principale décision du jour : les sanctions prises contre l’Iran… après avoir abondamment parlé (tout seul) de la nécessaire lutte contre la désinformation. De façon désormais systématique, la Haute représentante Federica Mogherini a pris ce chemin. Mais il y a pire….
Cet état de fait doit changer. D’une part, c’est une rupture des engagements pris au plus haut niveau, entre les autorités européennes et la presse. D’autre part, une bonne information suppose que sur tous les sujets abordés lors d’une réunion, il puisse y avoir au moins une question, voire deux ou trois, car c’est la diversité même de la presse qui permet ainsi de s’expliquer.
Deuxième entaille : la tentation du coup de com’ nuisible
La communication des décisions prises par la Commission, un gouvernement, est souvent faite au dernier moment à la presse, au moment même de la conférence de presse, voire pendant ou après. Parfois c’est un impondérable — la décision vient d’être prise, et il faut imprimer ou traduire les documents. Mais, bien souvent, ce n’est pas le cas, c’est pour éviter des questions trop pertinentes ou tout simplement garder le suspens jusqu’au bout, faire un coup de com’.
Troisième entaille : le monolinguisme, prise à toutes les déviances possibles
Au niveau européen, bien souvent, les textes ne sont pas traduits dans les langues ‘utiles’ ou majeures. Résultat, on donne à des médias comme Russia Today non seulement la primeur mais l’exclusivité sur la toile dans certaines langues sur certains sujets européens. Lire : Le français exclu de l’Europe de la défense. Gabegie financière. Erreur stratégique
Quatrième entaille : le travestissement ou le blocage de l’information
Trop souvent, certains responsables de communication s’acharnent à retarder, nous aiguiller sur de fausses pistes, quand ils ne se plaignent pas de l’activité d’information. Quand des politiques se cachent, dissimulent les informations importantes ou anodines, voire travestissent la réalité (cf. affaire Benalla en France), ils jouent avec le feu, dévaluent leur parole, et contribuent en fait à préparer le terrain propice à la désinformation suivante. En clair, ils amassent une foison de feuilles sèches, ne reste plus qu’à jeter l’allumette.
Mieux informer, clairement, sainement
Mieux lutter contre la désinformation, ce n’est pas mettre quelques millions d’euros dans un plan d’action, sans grandes idées, ou recruter trois personnes de plus, pour distribuer les bons et mauvais points aux médias, c’est d’abord privilégier une information saine, concrète, anticipée, en facilitant le travail des journalistes professionnels et non en le compliquant.
Mieux lutter contre la désinformation, c’est jouer fair play avec la presse, non pas lui mettre des bâtons dans les roues, jouer au jeu du chat et de la souris, se plaindre une fois les portes fermées que « la presse a trop d’informations ».
Mieux lutter contre la désinformation, c’est tenir ses engagements, venir rendre compte, publier toutes les informations disponibles, dès que possible, et dans une langue accessible à tous.
C’est seulement à ces conditions que nous pourrons bâtir une vraie ‘résilience’ dans la population et rétablir une confiance dans les institutions. Ensuite nous pourrons parler de lutte contre les désinformations…
(Nicolas Gros-Verheyde)
Réinvestir le web : une réflexion qui doit faire tâche dans les médias
Cette interpellation des politiques doit se prolonger au niveau des médias. En désertant le web, pour ne livrer que des informations semblables, car puisées aux mêmes sources (dépêches AFP, Reuters, …), en s’engageant dans une culture du ‘clic’ (pour générer une improbable ressource publicitaire…), les médias, nous, avons commis une double erreur : 1° livrer un contenu quasi identique (donc se prêter à l’accusation du ‘vous êtes tous pareils’) ; 2° laisser le champ libre sur le ‘net’ aux ‘autres’ informations, parfois intéressantes, mais parfois totalement fausses.
C’est la quadrature du cercle : Comment réinvestir le web et, en même temps, trouver des ressources adéquates qui préservent l’indépendance ? Comment garantir la diversité des médias et des opinions, et, en même temps, produire une information saine et honnête à tous et non réservée à une élite ? Comment assurer une certaine traçabilité de l’information, condition préalable à la confiance, en préservant le secret des sources ? Nous devons nous y pencher. B2, qui a toujours eu un ‘blog’ à côté de son site payant, réfléchit sur ce point (4). Nous engageons d’autres médias à y réfléchir.
(B2) L’Etat-major des armées françaises annoncé jeudi (17 janvier) que la marine turque avait mené des manœuvres communes avec le frégate Aconit, en Méditerranée orientale. L’hélicoptère du navire turc s’est posé sur le pont du Français, les deux bâtiments ont navigué ensemble et surtout, ont vérifié leur capacité à communiquer.
(RM)
(B2) Une nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans la presse britannique ces dernières heures : L’article 22 du Traité permettrait de déterminer une exception à la tenue d’élections européennes. Ce qui permettrait ainsi de repousser au-delà du 30 juin 2019 la date ‘officielle’ du Brexit. Est-ce exact ?
Cette information a notamment été reprise par notre collègue du Guardian.
Meet Article 22 of the EU treaty on EU citizens’ right to vote in European elections.
It allows for « derogations where warranted by problems specific to a member state ».
Such as extending Article 50?
Hat tip @AgataGostynska pic.twitter.com/LsX98mYOab
— Jennifer Rankin (@JenniferMerode) 16 janvier 2019
L’article 22 permet-il une dérogation pour faire élire des députés britanniques ?
Non. Nous avons vérifié… Il semble y avoir une ‘petite’ erreur d’interprétation chez nos collègues britanniques. L’article 22 du Traité ne concerne pas les élections européennes en soi, il autorise le droit de vote des citoyens européens dans un autre pays européen que celui dont il a la nationalité pour les élections (municipales ou européennes). Ce n’est qu’en complément de cette disposition que le Traité attribue au Conseil le soin de déterminer des mesures dérogatoires, et non au principe de l’élection elle-même.
« Sans préjudice des dispositions de l’article 223, paragraphe 1, et des dispositions prises pour son application, tout citoyen de l’Union résidant dans un État membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités, arrêtées par le Conseil, statuant à l’unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un État membre le justifient.
On ne peut établir, à partir de cette seule disposition, une base pour permettre d’adopter un régime dérogatoire aux élections européennes en Grande-Bretagne.
Une autre disposition
En revanche, il existe une disposition, à l’article 14 du Traité, qui permet au « Conseil européen à l’unanimité, sur initiative du Parlement européen et avec son approbation, [d’adopter] une décision fixant la composition du Parlement européen ». Mais celle-ci est soumise au respect de deux principes : 1° Le Parlement européen est composé de représentants des citoyens de l’Union. 2° « La représentation des citoyens est assurée de façon dégressivement proportionnelle ». Cela pourrait nécessiter de modifier le Traité pour insérer une disposition temporaire pour les Britanniques : c’est possible avec une procédure accélérée (procédure ‘ordinaire’, sans convocation d’une Convention, comme le prévoit l’article 48), mais cela suppose une procédure de ratification ensuite dans chaque pays. Un peu complexe…
Impossible n’est pas européen
Il va encore falloir interpréter tout ceci. Mais je fais confiance aux juristes, ingénieux, européens pour trouver une solution. L’expérience dans le passé a prouvé que tout ce qui est impossible un jour, devient possible le lendemain, en trouvant une astuce dans un coin du traité, voire dans le droit international… Les mêmes qui vous avaient expliqué doctement le cœur sur la main que c’était impossible venant ensuite vous expliquer le contraire, le sourire aux lèvres.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Mis à jour – complété sur la modification du Traité
La piraterie maritime n'a pas disparu. Combattue avec succès par des flottes de guerre au large des côtes somaliennes et yéménites, en océan Indien, elle s'est développée ces dernières années à l'ouest du continent africain, dans l'Atlantique, qui concentre désormais 40 % des incidents recensés dans le monde, et la totalité des prises d'otages. La zone du golfe de Guinée s'étend sur plus de deux millions de kilomètres carrés, et concerne dix-sept États, de la Mauritanie à l'Angola, soit 6 000 kilomètres de (...)
- Défense en ligne / Défense, Afrique de l'Ouest, Violence, Criminalité, Mer, Drogue, Transports, Coopération, Afrique, FranceUne réaction immédiate au vote sur le plan de Brexit présenté par Theresa May, et fortement rejeté ce soir par la chambre des Communes.
1/ Le vote (230 voix d'écart) atteint des niveaux imprévus et radicaux... Cela montre à quel point les petits calculs politiques des uns et des autres ont joué, bien plus que ce qu'on escomptait. On devinait que le plan ne serait pas adopté, mais un rejet à ce niveau est significatif aussi de la fatigue politique du pays. Mais elle vient de loin : rappelons que Cameron avait promis un référendum pour se débarrasser de son aile droite qui déjà, mettait le désordre.
2/ Les options sont connues : un nouveau gouvernement très probablement de transition. Mais il est très improbable que Londres puisse négocier quoique ce soit avec l'UE : l'ampleur de l'échec montre que ce n'est pas politiquement tenable.
3/ On se dirige donc vers de nouvelles élections, très incertaines. On ne discerne pas quelle majorité peut surgir tant Labour comme Tories sont divisés.
4/ Autre option, très probable : un Hard brexit. Mais les conséquences sont connues (passées la cure d'adaptation que cela provoquera) : Géopolitiquement, on peut surtout prédire une réunification de l'Irlande et une indépendance de l’Écosse : le Royaume serait très désuni et se réduirait à une Moyenne-Bretagne (Angleterre + pays de Galles).
5/ Un nouveau référendum serait très aléatoire : si c'est un nouveau Brexit, retour à la case départ, avec un hard Brexit à la clef. Si c'est un remain, on aurait alors un gouvernement britannique qui serait encore plus dur dans ses négociations avec Bruxelles : vous n'avez pas favorisé le Brexit, donc si on est là, vous allez le payer. On ne sait pas ce que c'est qu'un pays bloqueur : malgré sa réputation, le RU savait construire de bons compromis et ne bloquait pas tout, loin de là. Paradoxalement, pour un UE déjà très fragile, le retour du RU la queue basse serait une très mauvaise nouvelle.
Voici les quelques éléments que l'on peut déduire de la période hautement incertaine qui s'ouvre devant nous. Peu à peu, les choses vont se décanter.
Sic transit teresa maius
Olivier Kempf